L’évangile de
Jésus est un message subversif
Georges Siguier -- pasteur de l'Église réformée de France
Que ce monde passe et que ton règne vienne !”
“A tous les
oiseaux de proie volant très haut dans les airs l’ange, debout dans le soleil,
cria: venez, rassemblez-vous pour le grand festin de Dieu ! Venez manger la
chair des rois, la chair des chefs, la chair des puissants, la chair des
chevaux et des cavaliers, la chair de tous les hommes, esclaves et libres,
grands et petits.” (Apocalypse 19 17 et 18 ) cf (Ezéchiel 39 17 à 20)
1°
l’évangile de Jésus-
2°
Cet évangile est un message subversif
3°
Il crie le règne de Dieu est proche !
4° La
double perversion du christianisme
5° L’amour
de l’ennemi
6° L’
amour et l’unité entre frères en Christ
7° La
double repentance à pratiquer
8°
Interrogations
1° L’évangile
de Jésus
Quand nous employons le mot “ évangile” nous
traduisons un mot grec qui signifie: “ bonne nouvelle” , “ joyeux message “ ou “heureuse
information”. Et quand nous parlons de l’évangile de Jésus, nous
parlons du message qu’annonçait Jésus en son temps, c’est à dire au cours de
ces brèves années qui vont de son baptême au Jourdain à sa mise à mort sur la
croix. Il est donc question ici de la bonne nouvelle que
proclamait le prophète de Galilée, du joyeux message qu’annonçait aux foules d’Israël
“l’homme venu de Nazareth “. Ce message, cet évangile de Jésus est l’annonce que Jésus
faisait au sujet de Dieu et de son règne; voici cette annonce:
“Le règne de Dieu est tout proche !”
Il faut
distinguer ce que Jésus disait là de ce que, après sa résurrection, l’église
naissante proclamait au sujet de Jésus. Cette proclamation par l’église
primitive, et dont tout le nouveau testament témoigne, est également un évangile
à publier, mais c’est l’évangile au sujet de Jésus: la grande nouvelle de sa résurrection,
de son ascension “ à la droite de Dieu” comme Seigneur et Sauveur, de son règne
qui vient, et de son retour.
Ce message
chrétien, prêché au monde, concerne donc Jésus mais il ne doit pas être
confondu avec le message que ce Jésus lui-même communiquait à ses
contemporains, en reprenant d’ailleurs le message de Jean-Baptiste venait tout
juste de proclamer à Israël:
“Aprés que Jean eut été arrêté, Jésus vint en Galilée.
Il proclamait l’évangile de Dieu en disant: “ Le moment voulu par Dieu est
arrivé: le Règne de Dieu est là ! revenez à Dieu et croyez à la bonne nouvelle.
“ (Marc 1 14 et 15)
Tel est, si je puis dire, le “ credo primitif “ de
notre Maître, son message fondamental et primordial, son évangile originel et fondateur,
sa parole proclamée à Israël.
Telle est l’Annonce messianique du Messie de Dieu,
selon les témoignages unanimes des évangiles du nouveau testament. Voilà l’évangile
de Jésus.
2° Un message subversif
Ce que je voudrais exposer ici, brièvement, c’est le
caractère subversif de cet évangile annoncé par Jésus. En même temps, j’évoquerai la façon dont l’Eglise
chrétienne, dés le second siècle, a peu à peu édulcoré, changé et perverti cet évangile,
subversif de Jésus. Comment ? Il lui a suffi d’abandonner l’attente
enthousiaste du retour proche de Jésus et de l’avènement du Royaume de Dieu. Il
lui a suffi “ d’abandonner son amour du début “ (Apocalypse 2 4) et de s’installer
progressivement dans le “ train de ce monde” en y devenant une Puissance. Mais n’oublions
pas de rappeler d’abord le sens du mot: “ subversif “. Le dictionnaire ( petit
Robert ) définit l’adjectif “subversif” en disant: “ qui renverse ou qui détruit
l’ordre établi; qui est susceptible de menacer les valeurs reçues”. C’est
ainsi, dit-il qu’on parle “ d’idées subversives ou d’activités subversives”,
surtout dans le domaine politique.
A partir de là peut-on appliquer à l’Evangile de Jésus
le qualificatif de “ subversif” ?
Bien sur que oui, dés qu’on comprend que l’arrivée
du Règne de Dieu va mettre le point final, sur la terre, au règne des pouvoirs
humains qui s’y exercent. Certes l’évangile ne prêche pas une révolution
violente ou l’établissement d’un “ordre établi” ! Jésus ne cherchait absolument
pas à renverser et à détruire par la force les Pouvoirs établis qui dirigeaient
son peuple, soit le pouvoir de la caste des prêtres du Temple soit le pouvoir
de la puissance étrangère des Romains. Certes par sa parole, et par les signes
qui l’accompagnent, il combat sans faiblesse le péché des chefs religieux et
politiques. Mais cette parole est radicalement non
-violente, tout comme Jésus lui-même est totalement non-violent. Il n’est pas
un révolutionnaire au sens classique du terme et, lors de son arrestation, il désarme
Simon-Pierre qui a commencé a utiliser son épée.
Mais il est même temps tout le contraire d’un mou, d’un
passif, d’un religieux fuyant le monde et laissant se poursuivre sur la terre
le règne de la force, de la puissance et de l’argent.
Non, Il est le combattant suprême contre le mal,
mais Il laisse à Dieu son Père le soin de faire justice et de réprimer les méchants.Il
se place au coeur de ce combat sans merci qui oppose d’un coté le Seigneur Dieu
et ses prophètes et de l’autre,le monde des hommes, leurs pouvoirs et le pouvoir
laissé au “prince de ce monde” , le diable ( Mathieu 4 8 ) Et les violents vont
poursuivre jusqu’au crime leur tentative d’empêcher le Règne de Dieu d’advenir,
jusqu’à assassiner Jésus.
Car ce qui déclenche la fureur des puissants, c’est
précisément la présence et la parole de cet obscur Galiléen qui se met à crier
partout, “ l’arrivée du grand “ jour de l’Eternel”, l’arrivée du “ Royaume” qui
va mettre fin, sur la terre sainte, au règne des pouvoirs, des autorités et des
dominations qui écrasent et asservissent les enfants de Dieu.
Nous comprenons donc pourquoi l’évangile de Jésus
est si subversif. C’est parce que, ni plus ni moins, il annonce le jugement et
la disparition des pouvoirs de ce monde, ceux qui règnent sur les non-juifs (
les “ païens” ) et ceux qui règnent sur le peuple juif.
C’est
la royauté et le royaume de Dieu qui sont subversifs ! !
Surtout
quand ils sont annoncés pour l’immédiat, pour le très court terme ! !
3° “ Le Règne
de Dieu est là, il arrive ! “
Voilà la
nouvelle que “ l’homme de Nazareth “ annonçait en parcourant tout le pays d’Israël:
l’arrivée, l’imminence et la proximité du Royaume de Dieu, du Seigneur d’Israël.
Et c’est
cette nouvelle-là qui bouleversait tout !
“
Le Royaume de Dieu est proche ! “ ou:
“ Le Royaume de Dieu arrive maintenant !” ou
“
Le Règne de Dieu est là ! “
Ces trois
mots français “ royaume, règne, royauté “ correspondent à l’unique mot grec que
présentent ces phrases de l’évangile ( “ basileia “ ). Suivant les cas, il vaut
mieux traduire par l’un ou l’autre de ces trois mots. Mais le sens fondamental
est le même: le coeur du Message de Jésus, le centre de l’évangile annoncé par
le prophète galiléen, c’est l’annonce que “ le Royaume de Dieu est proche “ .
Aujourd’hui
encore, dans notre pays, une telle annonce, si elle se faisait trop publique et
trop insistante exposerait l’annonceur à une mise en examen en justice ! L’annonce
apocalyptique de la fin des temps toute proche et de l’intervention imminente
de la royauté du Dieu des juifs dans l’histoire, cette annonce est considérée
comme un “délit”, une extravagance sectaire ou un dérangement mental. D’où le silence quasi général des autorités religieuses chrétiennes
sur ce point lorsqu’elles parlent en public à la population de notre pays. Or, lorsque Jésus prêche son évangile, il est non
pas un théologien qui disserte avec d’autres théologiens, mais un prophète
bouleversant qui informe tout Israël de l’Evènement: l’intervention finale et
ultime de la royauté du Seigneur Dieu est annoncée pour l’immédiat. Son Royaume
arrive, son Règne est là. D’où l’urgence de la conversion avant que ce jour-là
ne surgisse, à l’improviste: “ revenez à Dieu ! “
Et Jésus est parfaitement compris par ses auditeurs
car tous, depuis le grand prêtre jusqu’au petit peuple des campagnes, sont au
courant de la grande promesse du Dieu de leurs pères. Ils savent tous que,
depuis des siècles, les prophètes envoyés par Dieu ont prédit ce “Jour “ inouï
où serait enfin instauré sur la terre ce royaume divin où régnera la justice de
Dieu, où la terre sera changée en paradis de vie éternelle et de bonheur perpétuel.
Le ciel descendu sur la terre !
Et tout le monde sait que le réalisateur de ce
Royaume sera le Messie, le Christ, c’est à dire le serviteur choisi et désigné
par l’onction divine, le Roi-Libérateur, le Sauveur. Tous l’attendaient.
Que ce monde nouveau soit le contraire du monde
actuel, que ce royaume soit l’inverse des royaumes de ce monde, que ce règne s’accompagne
de l’abolition de tous les pouvoirs établis jusqu’alors, c’est ce qu’attendaient
les auditeurs de l’évangile originel, en particulier les pauvres, les
malheureux, les victimes de l’injustice et de la violence.
Ils ne s’y trompaient pas, ces premiers disciples
qui, d’aprés Luc 6 17 et suivants, entendaient la proclamation inaugurale du
Royaume sur les livres du prophète de Nazareth:
“ Vous êtes
heureux, vous les pauvres, parce que le Royaume de Dieu est à vous ! “ Vous êtes
heureux, vous qui avez faim maintenant, parce que vous serez bien nourris ! “Vous
êtes heureux, vous qui pleurez maintenant, parce que vous rirez ! Dieu vous prépare
une récompense.
Mais quel
malheur pour vous les riches, parce que vous avez déjà votre bonheur ! Quel
malheur pour vous qui avez maintenant tout ce qu’il vous faut, parce que vous
aurez faim ! ..”
Et Jésus
annonçait cette Bonne nouvelle dans toutes les villes du pays d’Israël.
Était-elle
subversive, cette bonne nouvelle ? oui !
Était-elle
politiquement subversive ? oui !
Était-elle
radicale et renversante ? oui !
Était-elle
vraie, cette annonce ?
Et, oui ou non, Lui, était-il le Roi promis par Dieu
?
4°
La double perversion du christianisme
Si
pendant deux minutes, j’essaye de parler en historien, j’oserai affirmer ceci:
Le
christianisme a trahi le Christ.
Le christianisme a subverti l’évangile. Ce qui, dans
le message proclamé par Jésus était radicalement subversif pour l’ordre établi
sur la terre et pour tous les pouvoirs, juifs ou païens, tout cela a été peu à
peu effacé ou édulcoré. Progressivement l’annonce du Royaume imminent a cédé la
place à une religion chrétienne, un “ christianisme”, une grande “ église”
installée dans le siècle présent et jouant le jeu des puissances de ce monde,
avec les violences et les logiques des politiques humaines..
Le tournant catastrophique a été pris dés le 4° siècle,
quand l’Eglise est devenue religion d’Etat, religion officielle de l’Empire
romain et a constitué partout ce système politico-religieux que l’on appelle la
“ chrétienté “, dirigée et dominée par des chefs religieux ( dont, par
ailleurs, la foi et la piété ont été souvent grandes et les qualités humaines
admirables ! )
Cette histoire de la chrétienté s’est caractérisée
et se caractérise toujours par une double déviation, une double déformation,
une double trahison du message de Jésus, une double “ apostasie “ c’est à dire
deux éloignements , majeurs et permanents, par rapport à la volonté et à l’enseignement
du Seigneur Jésus le Messie d’Israël.
a/ D’une part les chrétiens se sont mis à se faire
la guerre entre eux: division du corps du Christ.
b / D’autre part les chrétiens se sont mis à faire
la guerre à leurs ennemis non-chrétiens: préparation et usage des armes contre
les ennemis religieux ou politiques.
Double subversion de l’évangile fondateur, prêché
par le Maître puis béni et glorifié par Dieu. Car le Père a ressuscité son fils
unique puis l’a élevé à sa droite comme Seigneur et Roi, n’est-ce pas pour
approuver son évangile et lui conférer une valeur divine et une autorité éternelle
? De telle
sorte que désormais, “ Évangile de Jésus “ et “ Évangile de Dieu “ sont le même,
message, la même et l’unique Parole de Vérité.
Depuis toujours les chrétiens ont tendance à minimiser
la gravité de cette tragédie où, collectivement et constamment, les disciples
du Christ ont doublement tourné le dos à l’enseignement du Christ.
D’une part en créant et en légitimant la division de
l’Eglise en fractions rivales et concurrentes, les “Églises “. D’autre part en légitimant et en pratiquant l’emploi
des armes et de la violence meurtrière contre leurs ennemis, au nom des
diverses théologies de la guerre juste ! Pour expliquer qu’il s’agit là d’une double
perversion de l’évangile prêché par Jésus, il me suffira de rappeler ce que l’on
appelle traditionnellement le “ sermon sur la montagne “. J’y soulignerai d’abord le commandement de l’amour
pour les ennemis; en faveur des ennemis, les disciples de Jésus entendent:
1° :” Aimez vos ennemis !” ( Mathieu et Luc )
Ensuite je mettrai en évidence le commandement de l’amour
entre disciples de Jésus, l’ordre de l’unité et de la communion fraternelle
entre chrétiens:
2°: “Aimez-vous les uns les autres !” ( Jean )
Ces deux domaines-là recouvrent toutes nos relations
avec les hommes, c’est à dire les frères et soeurs dans l’église, et tous les
autres hommes dans la société de ce monde. Dans ces domaines, l’Eglise issue de
l’évangile perpétue une perversion du christianisme, une subversion de l’évangile
subversif de Jésus; toutes dénominations chrétiennes confondues !
Mais voyons d’abord comment Jésus ordonnait à ses
disciples l’amour pour leurs ennemis ( c’est le domaine politique et la sphère
socio-économique de notre vie humaine sur la terre ).
5° : L’amour des ennemis
“Vous avez appris qu’il a été dit aux anciens: “ Tu
ne commettras pas de meurtre, celui qui commettra un meurtre en répondra au
tribunal”. Et moi je vous dis: quiconque se met en colère contre son frère en répondra
au tribunal...” ( Matthieu 5 21 ss )
“ Vous avez appris qu’il a été dis : oeil pour oeil
et dent pour dent,et moi je vous dis de ne pas résister ( riposter ) au méchant.
Au contraire si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui aussi l’autre
joue.... “ ( Matthieu 5 38 à 42 )
“ Vous avez appris qu’il a été dit: tu aimeras ton
prochain et tu haïras ton ennemi. Et moi je vous dis: aimez vos ennemis et
priez pour ceux qui vous persécutent afin d’être vraiment les fils de votre Père
qui est aux cieux. Car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les
bons, et tomber la pluie sur les justes et les injustes. Car si vous aimez ceux
qui vous aiment, quelle récompense allez-vous en avoir ? Et si vous saluez
seulement vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens n’en
font-ils pas autant ? Vous donc vous serez parfaits comme votre Père céleste
est parfait.” ( Matthieu 5 43 à 48 )
Et la conclusion du sermon sur la montagne est
radicale: “ Il ne suffit pas de dire “ Seigneur, Seigneur ! “ pour entrer dans
le Royaume des cieux; il faut faire la volonté de mon Père qui est aux cieux .”
( Matthieu 7 21 )
Ainsi l’évangile du Royaume proche n’est pas seulement
une information à savoir dans la tête. C’est en même temps l’appel et le
commandement à vivre dés maintenant selon la loi de ce Règne. Or ^pour Jésus la
loi du Royaume c’est l’amour, un amour que Jésus interdit de contourner, de
limiter, d’édulcorer, car c’est l’amour même du Père. Jésus recompose la loi
autour du principe de l’amour mais il durcit et radicalise le commandement: “
Moi je vous dis” ( Daniel Marguerat )
Chacun saisit aisément le caractère terriblement
subversif de cet Évangile fondamental, fondateur du Royaume imminent qui vient. En effet, si l’amour de mon ennemi est le trait caractéristique
de l’enfant de Dieu alors je ne peux plus tuer mon ennemi ni l’ennemi de mon
peuple; je ne peux plus m’exercer à porter atteinte à sa vie, même si le groupe
social ou la nation dont je suis m’en fait un devoir, même si on me prouve que
le service armé de la patrie ou la légitime défense...
Qu’un tel message heurte de front les principes et les
règles de toute société humaine et bouleverse toutes les données des relations
humaines et des pouvoirs et des valeurs de ce monde, qui pourrait le nier ?
Que cet Évangile soit subversif au plus haut degré,
comment ne pas le voir ? Comment dire “ oui “ à cela ? “ Jésus n’aiguise-t-il
pas la loi de Dieu jusqu’a l’insupportable ? Est-il possible de cesser de juger
? Est-il raisonnable de renoncer à son droit de défense ? L’homme de Nazareth n’engage
pas à discuter la praticabilité du commandement,il demande qu’on en reconnaisse
la vérité. Avec lui, la vie croyante devient le champ de
tension entre l’infini désir de Dieu et les résistances du réel” (Daniel
Marguerat p 73-74 )
Mais c’est la
proximité du Règne de Dieu qui prime en Jésus, sur toute autre autorité ou
valeur. Et c’est l’amour de Jésus pour ce Règne qui le conduit à cet
enseignement subversif d’un amour radical et quasi- impossible enseigné à tous
ses disciples.
On comprend
que très vite l’Eglise troublée par le “retard” de la Parousie et éprouvée par
la persécution, n’ait pas pu maintenir l’obéissance au commandement originel et
soit entrée dans la voie de la collaboration avec tous les pouvoirs qui
enseignent à ne pas aimer l’ennemi !Tout état, toute nation ( chrétienne ou non
) se doit de défendre par la force contre tout ennemi qui menace les intérêts
vitaux de la collectivité nationale. Toute
puissance publique, en ce monde, a pour logique la logique qu’exprimait si
clairement le grand -prêtre des juifs au sujet de Jésus:
“Il vaut mieux,” disait Caïphe”, qu’un seul homme
meure pour le peuple et que la nation ne périsse pas toute entière.” ( Jean 11
)
Et ses collègues réunis en conseil délibéraient
ainsi:
“ Que faisons-nous ? Cet homme ( Jésus ) opère
beaucoup de signes . Si nous le laissons
continuer ainsi, tous croiront en lui, les Romains interviendront et détruiront
et notre saint lieu et notre nation.” ( Jean 11 47 à 51 )
Et une note de la T.O.B. explique: “ le fait est que Jésus
provoque des troubles, il convient donc de l’éliminer pour assurer la
tranquillité de l’ordre public”.
Or ce sont ces ennemis-là ( les chefs des Juifs, les
chefs et les soldats romains...) que Jésus commandait d’aimer, détruisant ainsi
toutes les barrières et frontières qui opposent avec violence les humains entre
eux, et prenant le contre-pied des logiques politiques et des principes de
gouvernement ( démocratiques ou non ! )
Non, le Royaume de Dieu ne peut pas coopérer avec “ César
“ pour un partage des pouvoirs et des compétences. Car le Règne de Dieu, c’est
le contraire du règne des hommes. Et la royauté du
Seigneur d’Israël qui vient va renverser et supprimer les puissances et les
dominations, y compris le “ prince de ce monde “ ( Jean 14 30 ), “ ces chefs de
ce monde qui ont crucifié le Seigneur de gloire “ ( 1 Corinthiens 2 8 ) . Donc,
dés à présent, la ligne de conduite que le Roi crucifié prescrit à ses
disciples est ni plus ni moins l’amour des ennemis. Là est la force subversive
qui renverse l’ordre établi et les valeurs fondamentales de la société, et ..
nos idées sur la “ citoyenneté “ . Là se trouve donc la première ligne de réforme,
de réveil et de renouveau de l’Eglise chrétienne qui se réclame de l’Evangile
de Jésus, ( donc de chacun de nous aussi. )
“ Et moi, je
vous dis, aimez vos ennemis ! “
6° : L’unité entre frères en Christ
Le deuxième domaine où l’Evangile de Jésus est bafoué
par les chrétiens est l’unité ecclésiale,la communion fraternelle dans le corps
du Christ. Si le Maître appelle ses disciples à aimer leurs ennemis eux-mêmes, à
plus forte raison les appelle-t-il à s’aimer entre eux , à s’aimer les uns les
autres, entre catholiques et protestants par exemple. Cette unité fraternelle
visible et concrète, dans l’amour, est pour Jésus la marque caractéristique du
Royaume de Dieu, le Père, notre Père. Jésus n’a pas eu pour projet de créer l’Eglise telle
que nous la concevons, mais il a voulu rassembler dans l’amour les enfants du
Royaume, la fraternité des fils du Royaume.
Et s’il est
mort pour nous tous, c’est pour “ réunir en un seul corps les enfants de Dieu
dispersés “ ( Jean 11 52 ) Et c’est, là encore, l’amour qui doit être la force
de rapprochement, d’unité, de paix et d’harmonie en chaque localité de la terre
habitée, à commencer par Jérusalem et les fils d’Israël.
Tous les évangiles
et tous les enseignements des apôtres sont là pour nous ordonner et nous
enseigner cette communion fraternelle de tous ceux qui “ invoquent le nom de Jésus
“.
Pour eux, la
création de dénominations chrétienne rivales et concurrentes et la constitution
d’églises séparées les unes des autres et juxtaposées, partout et toujours, ne
peuvent être que des “ hérésies “, des “ apostasies “ , “ des sectes “. Car
cela revient à tourner le dos à la volonté expresse du Seigneur:
“ Je vous
donne un commandement nouveau: Aimez-vous les uns les autres: comme je vous ai
aimés vous devez vous aussi vous aimer les uns les autres. Si vous avez de l’amour
les uns pour les autres, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples “.
( Jean 13 34
et 35 -15 1 à 17 - 17 21 à 23 )
Cet
Evangile-là est subversif pour les églises locales, établies et instituées dans
la division jugée normale. Et le plus
grave c’est qu’on n’a même pas conscience de l’état de péché et de désobéissance
que représente en permanence la fragmentation désastreuse de la fraternité chrétienne
universelle en églises: églises-dénominations séparées les unes des autres et
par conséquent, séparatrices des frères et soeurs qui sont, en chaque localité
géographique, des membres du corps du Christ, l’unique Messie.
Pourtant ce
qu’il pense et ce qu’il veut est clair. C’est sans doute le quatrième évangile
qui l’exprime le plus clairement: lorsque le Seigneur y parle de l’unité de l’Eglise,
il n’enploie pas le mot église , par exemple, l’allégorie du cep de vigne et
des sarments:
“ La vraie
vigne c’est moi...Je suis la vigne, vous êtes les branches...une branche ne
peut donner de fruits toute seule, elle doit rester sur la vigne....Si quelqu’un
reste attaché à moi comme je suis attaché a lui, il donne beaucoup de
fruits....Je vous ai aimé comme le Père m’a aimé. Restez
dans mon amour.... Vous resterez dans mon amour si vous obéissez a mes
commandements: aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. Si quelqu’un
donne sa vie pour ses amis, c’est la plus grande preuve d’amour.... ce que je
vous commande c’est de vous aimer les uns les autres.” ( Jean 15 1 à 17 )
“ Les uns les autres “ c’est à dire entre sarments,
entre branches de la vigne, entre disciples du Maître, entre amis de Jésus. Non pas entre protestants ou
entre catholiques ou entre anglicans, mais entre fidèles du Seigneur ressuscité,
entre tous. Quel jugement contre chaque église ! ! !En chaque lieu de vie,
cette communion dans l’amour fraternel, cette communion visible de rencontre,
de prière commune, de partage, d’entraide et de vie, jour après jour. Ce n’est
pas un idéal ni un rêve mais c’est le grand commandement du Seigneur Jésus
lui-même.
Se conformer à
se commandement est au-dessus de nos forces et de nos bonnes volontés. Mais
avec ce commandement Jésus fait une promesse: le don du Saint Esprit qui
viendra sans cesse nous aider à aimer tous nos frères, par dessus toute barrière
d’église, de confession, de tradition religieuse, ou de “ dissuasion “ par les
dirigeants des églises établies.
Comment ne
pas voir que l’évangile de Jésus est là encore, terriblement subversif ? Le
refus des barrières ecclésiastiques et la résistance à la désunion instituée et
établie depuis l’aube du christianisme, n’est-ce pas une contestation radicale
des valeurs et des pouvoirs ecclésiastiques établis ?
De même que l’évangile
de l’amour des ennemis est subversif pour tous les pouvoirs politiques de toute
société humaine, de même l’Evangile de l’amour fraternel en Église unie est
subversif à l’encontre de toute église dénominationnelle ( quelle que soit par
ailleurs le degré de son ouverture oecuménique ! ) Résistance !
Sur ces deux
fronts où l’amour selon Dieu nous est ordonné ( le front de notre relation aux
humains des sociétés qui mobilisent notre service et notre coopération et le
front de notre relation aux chrétiens auprès desquels Dieu nous place ) sur ces
deux fronts de combat où le Maître nous a précédés, il nous faut courageusement
lutter. Non pas par insurrection, mais par non-coopération
à tout ce qui divise le corps du Christ. Lutter pour pratiquer la non-violence
sociale et politique de l’Evangile de Jésus, lutter pour pratiquer l’unité ecclésiale
dans sa plénitude; c’est à dire, dans les deux cas, pour pratiquer cet amour
qui reflète l’amour du Père pour son fils et l’amour du fils pour tous les
hommes. Double résistance spirituelle à apprendre ! Non
point rêver de changer le monde ( la Parousie va le faire ) ni de changer les églises
( la Parousie va le faire ). Pas d’idéalisme !
Mais
personnellement, individuellement, localement, par petits groupes de “ résistants
“ conformes à Jésus, cesser chaque jour de pécher contre l’amour mais pratiquer
l’Evangile de l’amour.
Tel est le “fruit “ porté par chaque sarment de la
vigne. Tel est le fruit qui glorifiera Jésus et qui sanctifiera le Nom de notre
Père qui est dans les cieux.
7° La double
repentance à pratiquer
La
proclamation de la bonne nouvelle du Royaume de Dieu qui arrive vite s’accompagne
toujours de l’appel à la repentance, c’est à dire d’un changement radical de
mentalité et d’un comportement nouveau conforme à l’Evangile.
C’est ainsi
que Jean-baptiste, annonçant l’arrivée imminente du Royaume et du Messie,
ajoutait: “ Retournez à Dieu et changez de conduite car le Royaume de Dieu est
proche !” (Matthieu 3 2 )
De la même façon
l’Evangile de Jésus comporte toujours et se conclue toujours par l’appel à la
repentance: “ Le Royaume de Dieu est là proclame Jésus ! Repentez-vous (
changez votre façon d’être ) et croyez à la bonne nouvelle “ (Marc 1 15 )
Repentance et
foi qui sont une mise en pratique effective de la parole du Maître, un
engagement précis pour suivre Jésus ( et nullement une réconciliation avec l’église
! ). Que sera donc
la repentance des chrétiens que nous sommes à partir de cet Évangile de Jésus
mieux compris et mieux cru ? En quoi notre “religion chrétienne”, avec ses
croyances et ses lignes de conduite, devront-ils être changés ou bouleversés ?
Pour nous
mettre en conformité avec cet Évangile d’amour radical et absolu incarné par Jésus,
notre repentance constante devra être double:
Double repentance
à pratiquer: D’une part
dans la sphère ecclésiale, je veux dire dans notre façon de vivre “ en église “
vivre en membres du corps du Christ dans notre localité d’abord au quotidien. D’autre part dans le domaine politique, social,
professionnel, culturel, familial, et c. ( toutes nos relations avec nos
semblables quels qu’ils soient ).
En ce qui concerne la vie entre chrétiens qui aiment
et servent Jésus, notre repentance consistera à pratiquer, avec un nouveau
style de vie et un nouvel état d’esprit, l’unité et la communion d’amour
fraternel avec tous les frères et toutes les soeurs en Christ des diverses dénominations,
grandes ou petites, dans notre ville ou notre village ou notre quartier.
Non pas “ faire de l’oecuménisme “ mais pratiquer l’unité
telle que Jésus nous la commande et telle qu’il la demande pour nous tous à son
Père . ( Jean 17 ). En somme,
cesser de contribuer et de coopérer à tout ce qui divise et fragmente
injustement l’Eglise,une et indivise du Seigneur Jésus. Et mettre nos frères séparés dans notre coeur et dans
notre emploi du temps, pour les aimer en vérité. Et si pour tout cela, il nous faut contrarier les
chefs et dirigeants de nos églises diverses et séparatrices, eh bien !
apprenons à déplaire aux hommes pour plaire à Dieu !
“ Il vaut
mieux obéir à Dieu qu’aux hommes! “ répétaient les apôtres.
Quant au
domaine politique et social de notre repentance nécessaire, là aussi c’est l’ordre
d’aimer nos ennemis privés ou publics qui va nous transformer et nous
mobiliser. Et là encore ce
ne sera pas une petite affaire car le prix à payer sera très élevé, nous le
savons. Participer au témoignage subversif de Jésus coûte très cher.
Car si notre
adhésion à la ligne politique d’amour de l’ennemi nous conduit à refuser notre
participation à tout ce qui prépare l’éventuelle destruction de l’ennemi, à
tout ce qui vise à lui nuire et à l’éliminer, donc à résister à l’Etat et à
dire “ non “ aux autorités civiles et... religieuses, à coup sur cela mène
loin.
Les idées
subversives qui nous empêchent de hurler avec les loups pour rester des “
brebis au milieu des loups “ et aimer très concrètement les ennemis, ces idées
là ne peuvent que nous marginaliser radicalement et nous faire détester par
tout le monde.
Mais le
solide fondement demeure: “ Aimez vos ennemis ! “ parole du Seigneur !
Que dire de
plus ? Mieux vaut maintenant laisser s’exprimer en toute liberté et unité
fraternelle, nos réactions, nos protestations, nos refus, nos perplexités, nos
peurs et interrogations, dans l’amour de Dieu manifesté en Jésus, notre
Seigneur, notre Sauveur...et notre modèle.
Il
y a deux pouvoirs dans le monde: le
pouvoir de celui qui prend une tunique et
le pouvoir de celui qui se laisse dépouiller; le
pouvoir de celui qui a tout et
le pouvoir de celui qui n’a rien; le
pouvoir de celui qui porte des armes et
le pouvoir de celui qui garde les bras ouverts.
Il
y a deux pouvoirs dans le monde: le
pouvoir de la force et la
force d’aimer.
( Pasteur Henri Lindegaard )
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