jeudi 29 avril 2021

Premier mai et l'utopie

1.

Premier mai et l'utopie. Quand je parle d'utopie, je ne sous-estime pas le rêve d'une société solidaire, mais je le place à un niveau de réalisation permanente, historique et transistorique. En d'autres termes, je vois le chemin permanent de l'utopie, je le sens, mais je ne vais pas forcément le vivre comme je le voudrais. 

Et les démons, à la suite de Nietzsche, sont les péchés de la jeunesse qui deviennent une vertu dans la vieillesse. Ce sont les cauchemars qui côtoient toujours les rêves. En ce sens, comme tout texte biographique, ces textes ont une fonction d'exorcisme. 

Exorcisez les fantômes et les démons et restez avec l'utopie qui génère de nouveaux rêves. Ainsi, je considère le feuilleton de la vie comme une trilogie attendue. C'est mon histoire et l'histoire de mon utopie, où tout le reste est décor. C'est une vie, mais aussi une fiction, puisque les rêves et les démons doivent être personnifiés, interférant dans la vie de l'auteur et dans son plus grand rêve.

2.

Appeler le mouvement 68 de rébellion des jeunes, ce n'est pas comprendre la richesse créative du kairós historique, c'est nier les luttes qui ont laissé les étudiants et travailleurs de France, des USA, l'Italie et l'Allemagne et jeter à la poubelle les luttes entre le capital et le monde du travail, les guerres au Vietnam, au Laos, au Cambodge et les soulèvements populaires au Chili, au Portugal et au Nicaragua.

Je n'ai pas de nostalgie, car je ne place pas mon action au passé, mais dans le présent, en tant qu'activiste politique et social que je suis. Le mois de mai français a ouvert un nouveau moment dans l'histoire de la planète et ne s'est pas limité à l'Europe. Il s'est répandu dans le monde entier.

Et ma vie politique, que ce soit au Brésil, au Chili, en Argentine et en Europe, était en corrélation avec le mois de mai français. J'ai appris dès mon plus jeune âge que vous ne crachez pas dans l'assiette que vous mangez. J'ai grandi en relation avec mon activisme de jeunesse, mais cela ne veut pas dire nier les moments nobles et puissants de ce même activisme dans les années 60 et 70.

3.

J'aime le Brésil. Je ne le vois pas comme un pays, mais comme une partie du sud des Amériques, occupée par différentes ethnies et cultures, que j'appelle les multicultures brésiliennes. Mais je ne peux pas oublier le rôle de la France dans ma vie.

Et là, je me souviens de Daniel Cohn-Bendit, un non-français qui a écrit deux histoires, la française et la mienne. Il y a des années, il a demandé aux nouvelles générations d'oublier le mois de mai français.

J'ai travaillé dur sur cette question. Et, contrairement à Cohn-Bendit, je ne nie pas la contemporanéité de 1968. Au contraire, je suis reconnaissant pour ce kairós, comme un effort pour rompre avec une société archaïque et en décalage avec le nouveau qui approchait et construire une société solidaire.


Photo Rosa Gauditano
Jorge au premier mai.