mardi 5 février 2019

Montpellier, premier semestre 2005











































L'amour


L’amour
Le défi de l'identité chrétienne

Pr. Jorge Pinheiro


Introduction

Le monde occidental vit une crise d'identité. Elle n'est pas seulement une crise de l’économie, mais une crise spirituelle qui a tué l'espoir et a installé la peur dans les âmes. Le drame occidental peut être diagnostiqué comme l'abandon des racines chrétiennes qui ont fondé l'Occident. Aujourd'hui, plus qu'hier, les communautés chrétiennes ont le défi de vivre de l'amour chrétien, unique chemin qui peut changer le monde et installer réellement la liberté, l’égalité et la fraternité!

Le cantique des cantiques 8.6-7.

"L'amour est fort comme la mort, la jalousie est inflexible comme le séjour des morts ; ses ardeurs sont des ardeurs de feu, une flamme de l'Éternel. Les grandes eaux ne peuvent éteindre l'amour, et les fleuves ne le submergeront pas; quand un homme offrirait tous les biens de sa maison contre l'amour, il ne s'attirerait que le mépris".

1. Pourquoi la mort ?

Pourquoi «fort comme la mort»? C’est bizarre comme expression, n’est-ce pas? Cette phrase évoque la durabilité de l’amour. La mort ne lâche pas, ne change pas d’avis, ne fait pas demi-tour. On pourrait dire tout simplement que l’amour est pour la vie. Salomon était un poète et nous parlait de la nature définitive de la mort. L’amour est fort comme la mort. L’amour ne lâche pas, ne change pas d’avis, ne fait pas demi-tour. Il tient comme un bouledogue.

Nous dans les communautés chrétiennes, à partir de l'amour de Dieu pour le monde, avons décidé de conjuguer le verbe “aimer” à tous les temps. Mais ceci est-il réaliste? Est-ce que cela va durer ? Comment pourrions-nous aimer tout au long de la vie? La question est importante ; l’enjeu est considérable : de plus en plus de chrétiens relâchent le défi de Christ. Comment éviter le jour où on met dans la même phrase le verbe “aimer” à l’imparfait et au présent avec négation : «Je t’aimais, mais je ne t’aime plus.»

Tout dépend de notre définition de l’amour. Nombreux sont ceux qui considèrent que l’amour est une question de chance. L’amour n'est pas une question de chance, l’amour est une grâce de Dieu. L’amour n’est pas une chose, l’amour est une attitude. On ne tombe pas en panne d’amour, on arrête d’aimer. L’amour ne meurt pas, c’est nous qui le tuons. L’amour est une attitude ; il est fait de promesses tenues, de petites actions quotidiennes qui disent: «Je t’aime.»

Le Créateur qui est amour a envoyé son Fils unique. La Parole s’est faite chair et il nous a aimé jusqu’au bout. Toute la communauté a fait des vœux de fidélité. Mais je ne peux pas insister suffisamment sur l’importance des promesses que nous avons fait devant Dieu et l'assemblée chrétienne.

Lorsqu'ils prennent la décision de vivre à côté de Jésus, personne ne demande aux chrétiens s’ils l’aiment. Nous ne serons pas là si nous ne l'aimions pas. Mais il est nécessaire de conjuguer le verbe “aimer” au futur: «Aimeras-tu les gens qui vivent dans le monde, dans les bons moments de prospérité de l'économie comme dans les mauvais de la dépression?» L’amour est une alliance avec le Créateur et avec le monde, et c’est ce pacte qui sauve l’amour de la superficialité.

Les communautés se souviennent des promesses. Que notre amour soit notre parole d’honneur. J’aimerais que les communautés puissent dire: «Mon amour est fort comme la mort! »

C’est pour ça que nous pouvons dire que l’amour est liberté. Et Paul nous dit en 2 Corinthiens 3.17 :

“Jusqu’à ce jour, quand on lit Moïse, un voile est jeté sur leurs cœurs ; mais lorsque les cœurs se convertissent au Seigneur, le voile est ôté. Or, le Seigneur c’est l’Esprit ; et là où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté. Nous tous qui, le visage découvert, contemplons comme dans un miroir la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en la même image, de gloire en gloire, comme par le Seigneur, l’Esprit”.

La personne, l’homme et femme, participe à la lumière et à l’amour de l'Esprit. Par la raison, elle est capable de comprendre l'ordre des choses établi par le Créateur. Par l’Esprit elle est capable de se porter vers le bien véritable. Elle trouve la perfection dans la recherche et l'amour du vrai et du bien.

L'Esprit, qui scrute les profondeurs de Dieu, est en même temps la lumière qui éclaire la conscience de l'homme et femme, la source de sa vraie liberté. Dans le plus secret de l'homme et femme, Dieu fait entendre sa voix et connaître cette parole qui atteint sa perfection dans l'amour de Dieu.

2. Pourquoi la jalousie ?

«La jalousie est dure comme le sépulcre, et ses flammes sont des flammes de feu, les flammes du Seigneur».

Pourquoi parler de jalousie pendant un sermon sur l'amour? Parce qu’il en faut dans l'identité occidental ! La jalousie peut être quelque chose de bon, selon l’usage qu’on en fait. Salomon a utilisé ce mot pour mettre l’accent sur l’exclusivité du mariage. Nous retrouvons cette jalousie en l’Eternel qui dit à son peuple: «Tu n’auras pas d’autres dieux devant moi!». Ce même Dieu insiste sur l’exclusivité de l’amour conjugal. Il a horreur de l’infidélité conjugale tout comme de l’adultère spirituel. Il est un Dieu jaloux!

Nous, la communauté de Christ, pour que notre amour soit aussi fort que la mort, nous avons besoin de la jalousie. Nous devons être jaloux, de la même façon que le Seigneur Jésus Christ est jaloux de nous et s’est sacrifié pour nous. Cette jalousie nous enseignera à être jaloux de notre identité chrétienne, le fondement de la vraie liberté et de la paix.

Vivre au monde sera un défi ouvert à bien des égards - hospitalité, amitié, partage de l’amour, famille et fraternité. Notre foyer est une bénédiction pour beaucoup de personnes - vivre au monde est un ministère, un service, mais notre identité n’appartient qu’à nous et sa clé est à l’intérieur. Nous ne la donnerons à personne. Dans l'identité chrétienne nous nous donnons entièrement à Dieu, corps et âme. L'identité chrétienne est un symbole de cette exclusivité et ceci explique la jalousie de l’amour comme un feu qui consume.

Ce livre de Salomon nous parle sans fausse pudeur des plaisirs de la chair au sein du mariage et l’apôtre Paul ose comparer l’union sexuelle entre l’homme et la femme avec l’image de l’union du Christ et de son église. Soyons jaloux du nom du Christ; soyons jaloux de notre identité. La communauté doit de veiller son cœur. L’amour que nous confessons aujourd’hui a besoin de cette protection.

Renouvelons souvent nos promesses en faisant l’amour. Bien que ceci soit important, je ne parle pas seulement, bien entendu, de la identité de notre union avec Christ. Nous pouvons présenter notre identité d'autres manières qui donneront davantage de sens à nos expressions de l’amour, comme nos dit l'apôtre Paul:

"Il pardonne tout, il croit tout, il espère tout, il endure tout". (Première aux Corinthiens 13:7 NBS)

Nous n’avons pas besoin d’attendre le dimanche pour renouveler nos vœux d'amour. Faire l’amour, c’est renouveler l’alliance que nous avons conclue tout le jour. C’est dire : «Je me donne entièrement au monde pour changer le monde, je suis à tout le monde et le monde c'est moi en Christ. Inspirons-nous de la passion de ce livre, la Cantique des cantiques. Il nous aidera à vivre la riche identité de l’amour fort comme la mort, jaloux comme le feu de l’Éternel et cette expérience reflètera l’amour du Christ pour le communauté.

E en retournant à Paul, en Galates 3.28, nous pouvons dire que l’amour est l’égalité : 

“Nous sommes tous fils de Dieu par la foi en Jésus-Christ ; en effet, nous tous qui avons été baptisés en Christ, nous nous sommes revêtus de Christ. Il n'y a plus ni Juif ni non-Juif, il n'y a plus ni esclave ni libre, il n'y a plus ni homme ni femme, car nous sommes tous un en Jésus-Christ. Si nous appartenons à Christ, nous sommes donc la descendance d'Abraham [et] nous sommes héritiers conformément à la promesse”.

Voilà en substance que ce que Paul enseigne par ce verset de Galates 3.28. Il n'y pas lieu à chercher d'autres explications, ni de se soustraire à des réalités identitaires avérées, des origines et des rôles particuliers.

Une femme est une femme du point de vue identitaire, tout comme un homme en est un, tout comme un français, un malgache, un brésilien, ont chacun des origines particulières... de même qu'un mécanicien, un pasteur, un employé de banque ont des rôles particuliers. Simplement, chacun en Christ, en ce qui concerne son interdépendance, ne forme plus qu'un.

3. Pourquoi des grandes eaux

Ensuite, le texte nous parle des épreuves des grandes eaux. Notre amour sera toujours éprouvé. Nous le savons bien. Nous ne savons pas quelles sont les épreuves qui nous attendent. Nous savons déjà que nous sommes pêcheurs -- le fait que nous soyons tous les chrétiens ne nous épargnera pas des épreuves dues à nos imperfections.

Frères et sœurs, souviens-nous de nos imperfections et de nos faiblesses. Il est trop facile de vouloir changer l’autre. Occupons-nous de nos propres défauts et de nos propres limites, de notre besoin personnel de sanctification. Cela n’exclut pas du tout l’exercice de la critique chrétienne au sein du monde - nous sommes par là pour cela aussi bien que pour les autres choses, mais le but de la critique ne doit pas être égoïste. Ne ditons jamais : «Je ne vois pas en quoi j’ai besoin de changer!»

Frères et soeurs, ne faisons pas la tête quand le communauté nos dira des choses que nous préférerons ne pas entendre; et ne soyons pas de mauvaise humeur quand le communauté suggère un changement de comportement ou d’attitude. Nous avons tous besoin de changer, de grandir, de mûrir. Nous nous ‘y engageons par amour pour Christ et pour celui ou celle que nous aimons. Si nous n’avons pas compris que l'identité chrétienne est un lieu de sanctification, de changement, nous n’avons pas lu Éphésiens 5. Ditons souvent: «Il faut que je devienne ce dont il ou elle a besoin. Il m’aime tel que je suis, je le sais, mais je veux grandir, je veux mûrir pour lui». En tant que chrétiens, nous le disons au Seigneur Jésus Christ. Disons-le à notre amour.

Pour les autres épreuves, que ce soit la crise de l'économie, la déception face à désespoir du monde, il faut que nous soyons vraiment un, et forts dans notre union. C’est dans l’épreuve que nous découvrons la différence entre être amoureux et aimer.

Nous sommes identifiés pour les bons comme pour les mauvais moments. Ne soyons pas naïfs, mais ne craignons pas les difficultés de l’avenir. Puisez notre force dans le Seigneur Jésus Christ qui a tant souffert pour nous apporter la vie éternelle. Il sait ce que c’est, les grandes eaux. Ce n’est pas la peine de nous inquiéter aujourd’hui des épreuves dont nous ne connaissons pas encore les contours. Construisons notre digue, notre barrage, entretenons en Christ dans la prière, dans la foi et sa grâce nous suffira quand viendra la difficulté. Faisons-nous confiance pour l’avenir. Les grandes eaux ne peuvent éteindre l'amour et les fleuves ne le submergeront pas.

Et le Christ même nous a dit dans sa conversation avec Pierre en Jean 21, 15-19 :

Quand ils eurent déjeuné, Jésus dit à Simon-Pierre : «Simon, fils de Jean, m’aimes-tu plus que ceux-ci?» Il lui répond : «Oui, Seigneur, je t’aime, tu le sais.» Jésus lui dit: «Sois le berger de mes agneaux.»

Avec la Résurrection, tout est révélé du projet de Dieu qui consiste en un cœur à cœur avec l’Homme. C’est la fraternité réelle de la foi chrétienne. La conversion dépend de cette seule question : «M’aimes-tu?»

Conclusion

L’amour -- le défi de l'identité chrétienne

Il y a des gens qui ne comprennent pas ce qu’est l’amour. On le voit chez certains parents qui donnent tout sauf leur amour à leurs enfants. La même chose peut arriver au cours de la vie chrétienne. Église peut travailler énormément pour avoir un plus bel temple, des installations encore plus exotiques, etc. - et puis elle se rend compte qu’il n’a pas investi dans l’amour. Investir dans la vie spirituelle est bien meilleur et plus durable qu’investir dans les choses matérielles, même si celles-ci ne doivent pas être laissées de côté.

L’amour n’a pas de prix. Il n’est pas une conquête financière, mais le don de soi-même. Ceci ne veut pas dire que nous ne devons pas offrir des choses pour préparer l’avenir ou tout simplement pour faire plaisir, pour montrer notre amour. Mais les choses doivent être l’emballage d’un don beaucoup plus précieux, le don de soi-même.

Notre modèle est Dieu lui-même. Il nous donne des choses tous les jours, mais il se donne lui aussi également - il nous a envoyé son Fils bien-aimé.

La communauté ne se identifiée pas parce qu’elle a un bel temple, mais parce qu’elle s’offre sa vie : «Je t’appartiens!»

Ne tombons pas dans le piège qui consiste à exiger des choses avant de donner notre amour. Ne tombons pas dans le piège de penser pouvoir acheter l’amour en offrant des cadeaux. Celui qui fait ceci risque d’être méprisé, parce qu’il n’a pas compris ce qu’est l’amour. La valeur de l’amour nous dépasse, parce que la valeur de l’autre personne n’a pas de prix. Le Seigneur nous a fait cadeau infiniment précieux : frères et sœurs dans la communauté et tous les gens du monde.

Ma chérie Église évangélique baptiste de Montpellier aimons notre Dieu d’un amour fort comme la mort, jaloux notre identité chrétienne comme le feu de l’Éternel, cher comme aucune autre chose. Aimons les gens et le monde de ce même amour, fort, résistant et cher. Que le Créateur -- Père, le Fils et l’Esprit nous bénisse et prenne soin de nous, pour que notre amour soit pour la vie. Et qu’Il se serve de nous pour en bénir le monde. Ceci est l’identité de l'amour chrétien qui peut changer le monde et installer réellement la liberté, l’égalité et la fraternité!

Amen!

Pr. Jorge Pinheiro
Montpellier, dimanche, 03.01.2019