Mission et haute modernité
Lectures de The Monstrosity of Christ,
de Slavoj
Zizek et John Milbank
A
monstruosidade de Cristo
Slavoj
Zizek, John Milbank
Jorge Pinheiro, PhD
Le livre de Slavoj Zizek et John Milbank, "The Monstrosity of Christ, Paradox or Dialectic", édité en 2009, rapporte un dialogue entre Zizek et Milbank sur la possibilité d'un matérialisme chrétien, sur la question de la divinité de Jésus, c'est-à-dire l'incarnation de Dieu et la lecture orthodoxe, on pourrais dire Milbank semble thomiste en défendant le scandale de l'incarnation dans l'Ontologie.
À propos de l'introduction
« Deux ou trois choses » …
En 1967, Jean-Luc Goddard a
réalisé un film inspiré d'un article sur les ménagères d'un lotissement dans la
banlieue de Paris, qui se prostituaient pour alimenter une consommation
superflue. Le titre du film – « Deux
ou trois choses que se sais d’elle » -- se réfère à Paris dans les
années 60, un portrait de la société de consommation au milieu de la pauvreté
des masses et de la tragédie de la guerre du Vietnam. Dans cette étude sur la
Missiologie et la Haute modernité, dans une lecture de Slavoj Zizek et John
Milbank, je veux parler de deux ou trois choses qui découlent de cette
discussion.
Une telle approche, comme
l'amour de Goddard pour ce Paris, part également du cœur: elle est personnelle
et émotionnelle et est née chez un jeune juif marxiste militant qui, plus tard,
à l'âge de 37 ans, a reconnu dans le rabbin de Nazareth le Mashiah, le Messie
attendu. Et c'est précisément cet itinéraire de la vie et de la théologie qui
me conduit à sympathiser avec le matérialisme chrétien pensé par Zizek.
Dans cette réflexion, je
distinguerai trois choses, lorsque nous abordons la mission et la haute
modernité, dans une lecture de la Monstruosité
du Christ. Tout d’abord, dans la mission coloniale et euro-centrique on confond
mission avec le verbe aller. Maintenant, dans la haute modernité de chaos et de
crise, il devient nécessaire de penser la mission avec le verbe recevoir.
Deuxièmement, dans la modernité, la logique de l'expansion coloniale et euro-centrique
était la dialectique. Mais dans cette haute modernité, nous sommes appelés à
penser l'analéctique. Et comme
troisième chose quand je pense à cela, c'est que dans la modernité, le Christ
était le Logos de l’apôtre Jean, mais dans cette haute modernité, le Christ
doit être compris comme un ana-logos.
Maintenant, ces trois
perceptions permettent des lectures critiques de livre : Monstruosité du Christ, dans une
confrontation entre le paradoxe et la dialectique et soulèvent des
préoccupations qui doivent être prises en compte lorsque en pense Mission et
Haute Modernité.
En tant que juif qui n'a
accepté le Messie qu’à la maturité, j'ai vécu la « monstruosité » de l'incarnation, comme tous les non-chrétiens
qui pensent au christianisme, qu'ils soient musulmans ou juifs. Et cette monstruosité
de l'incarnation, Dieu humain, humain
Dieu, ne se contente pas de défier Zizek, elle est présente dans le monde de la
haute modernité et concerne aussi les exclus et les expropriés du tiers-monde.
Quand nous pensons à la
Missiologie en Amérique latine, nous avons des éléments pour analyser le cri
des exclus et expropriés à partir du concept de l'Autre. Et en faisant cela, en
lisant le Même - que vit dans l'auto-fermeture, l'autosuffisance,
l'ethnocentrisme et le refies de l'Autre, on n'accepte pas l'altérité.
L'ontologie, des Lumières, ou
plutôt de Hegel et c'est l'un des problèmes de l'approche thomiste de Milbank,
n'était pas basée sur la relation de personne à personne, mais sur la relation
sujet-objet. Cette ontologie d'une personne a mené au discours solipsiste, où
il n'y a pas de place pour l'Autre, puisqu'il s'agit du non-être et de la négativité.
Le regard européen a été placé sur la supériorité par rapport à l'autre,
externe, primitive et subalterne, ce qui a conduit à la colonisation et à
l'expropriation de vies. Cette situation avait une justification missiologique:
l'autre est vêtue de l'impersonnalité de l'ennemi, de l'étranger, de
l'inférieur. Par conséquent, il n'y a pas de problème s'il est exterminé, car
cet autre est hors de la totalité. Ce qui n'ajoute rien et qui ne rétrécit pas la
totalité.
Ce mal est transmis de
génération en génération. La pratique historique gagne le caractère de la loi.
Par conséquent, même si elle est injuste, l'exploitation devient légale. La
légalité ne peut pas être le fondement de la morale (Dussel, 1977: 85). Toutes
les pratiques équitables doivent aller au-delà du pré-établissement, de
l'ontologie de la totalité, au-delà de l'ordre juridique actuel. L'origine
d'une morale équitable n'est pas dans le même, mais dans l'autre, c'est pour ça
que la pratique qui en a résulté du même est une pratique aliénante, dominante
et oppressive.
À la fin des années 60, à
partir de la prise de conscience que la dialectique limitait la formulation
d'une théologie du praxis, Enrique Dussel et Juan Carlos Scannone cherchaient
une expansion qu'ils appelaient analéctique. L'expression, selon les chercheurs
du travail de Dussel comme Euclides André Mance, a été inventée par B.
Lakebrink (Mance, 1994) et traduit une relecture de l'analogie thomiste. Mais
Juan Carlos Scannone a été le premier à utiliser le concept en opposant la
totalité et l'altérité en disant que « ce
processus, plus que dialectique, pour le distinguer de la dialectique
hégélienne, je l'appelle analéctique » (Scannone 1974: 256).
Ainsi, Dussel et Scannone ont
cherché une alternative à la dialectique hégélienne et marxiste classique. Ce
qui était possible par l'affirmation de l'existence d'une portée
anthropologique alternative au-delà de l'identité de la totalité, qui a ouvert
la possibilité d'une fondation de la fondation, cessant d'être tel qu'il se
distingue tel que fondé (Guldberg, 1983: 236). Plus tard, Dussel dira que leur
méthode est partie de Levinas, mais dans le contexte de la réalité
latino-américaine. Le principe a été formulé comme une lecture éthique de la
libération latino-américaine, mais quand on a défini l'éthique comme
philosophie première, l’analéctique devient, en Dussel, une compréhension
correcte d'une philosophie latino-américaine de la libération.
En 1976, les théologiens
réunis à Dar-er-Salam ont déclaré que la méthode interdisciplinaire en
théologie, et par extension la missiologie, doit tenir compte de
l'interrelation entre les théologies et l'analyse politique, psychologique et
sociale. Quand on affirme que la Création est fondamentalement bonne et que la
présence de l'Esprit dans le monde et dans l'histoire est continue, il est
important de garder à la pensée que le mal se manifeste dans l'aliénation de
l'être humain dans les structures socio-économiques. Les inégalités sont
diverses et ont de nombreuses formes de dégradation humaine, et nécessitent
donc de comprendre l'Évangile et creuser « un
nouveau puits pour les pauvres » (Dar-er-Salam, 1976, thèse 32). Ce sont
précisément ces lectures qui nous amènent à formuler un terme de missiologie ce
que nous appelons libération.
En Amérique Latine Dépendance et Libération, Dussel déclare que dans
le passage diachronique, d'entendre le mot d'un autre avec une interprétation
correcte, on peut voir que le moment éthique est essentiel à la méthode. Ce
n'est qu'avec l'engagement existentiel, en libérant la praxis en danger, que
l’on peut accéder à l'interprétation, à la conceptualisation et à la
vérification de la révélation du monde de l'autre (Dussel 1973: 121). De cette
façon, seule la pensée européenne a apparemment placé la théorie avant la praxis,
puisque « je colonise », le « je conquis » précède l’ « ego cogito ». L'exploitation et
l'oppression ont créé les conditions historiques à partir desquelles est née
une missiologie de la justification et du paradoxe, une fausse conscience de la
réalité. La praxis de la domination formait la subjectivité du conquérant : le
moi moderne est impérial, libre et violent. La pensée euro-centrique et son
extension américaine dissimulent la notion émancipatrice de la modernité en
tant que sortie de l'état de minorité. Cela reflète la justification de la
praxis de la violence par des cultures qui s'entendent comme développées. Cette
supériorité a imposé un processus civilisationnel à sens unique.
Zizek 1
Les fragments subjectifs
retournent à l'être
Zizek affirme : « Nous devons, d'un point de vue matérialiste
radical, penser sans crainte aux conséquences du rejet de la ‘réalité
objective’ : la réalité se dissout en fragments ‘subjectifs’, mais ces
fragments sont en être anonyme, en perdant sa consistance subjective »
(Zizek, Milbank, 2014 : 140), nous ramène à la question du paradoxe.
L'évitement de la réalité et
d'une lecture matérialiste du Christ, de l'ontologie du paradoxe, nous amène à
la phrase proposée par Tertullien de Carthage, écrivain chrétien du IIIe
siècle, "credo quia absurdum!",
je crois parce que c'est absurde.
Cette absurdité paradoxale
frappe le concret et nous appelle à plonger dans l'immensité du divin humain.
Et pour fermer les yeux et dire comme un juif nommé Shaul, qui s'appelait Paul le
petit : « Les Juifs demandent un signe,
et les Grecs ont de la sagesse. Mais nous prêchons le Christ crucifié, qui est
un scandale pour les Juifs, et une folie pour les Grecs ».
L'absurdité, le scandale, le
paradoxe ... tout comme le fondement de la foi, la même foi qui justifie
Abraham au milieu de la folie d'un père qui doit sacrifier le « fils de la promesse ». Par conséquent,
la foi cesse d'être l'émunah hébreu,
qui définit la position militaire, et devient un paradoxe. Pas d'illusion ni de
rêverie, mais la folie de la confiance dans le divin, puisque nous ne pouvons
pas comprendre.
Comme Paul Tillich, héritier
de Hegel et du jeune Marx, la praxis est la médiation entre l'ontologie et la
réalisation de la réalité. Cette corrélation, qui pour Tillich deviendra une
méthode, est la recherche de surmonter les dialectiques antérieures, qui ont
traité de la connaissance de l'être et de ses manifestations en dehors de la
praxis historique. Nous devons, dans cette discussion sur la Mission et la
Haute modernité, faire ce passage en construisant une logique qui ne sera ni
hégélienne ni marxiste au sens classique, mais cherchera à corréler
l'ontologie, la logique et la méthodologie dans la dynamique de la praxis
missiologique.
Cette corrélation avec
l'extériorité caractérise la mobilité de la missiologie de la libération qui,
par conséquent, sera une missiologie de la praxis. Il développe donc la voie de
la corrélation entre l'extériorité et l'ontologie face à la dynamique de la
praxis, traitant les formulations de méthode qui accompagnent la superposition
des horizons ontologiques. De cette façon, il place l'affirmation de
l'extériorité comme une source antérieure aux exigences de l'ontologie, ce qui
conduit à une intersection commune : l'éthique.
La mission dans la haute
modernité doit être construite à partir de deux approches, l'Autre comme
révélation d'un mystère incompréhensible de la liberté et de l'Église comme une
infrastructure qui dénonce le pouvoir d'exclure. Et ainsi, la foi est née de
l'acte d'intelligence, c'est une façon de voir. Qui ou quoi dépasse-t-il
vraiment ce que l'on voit, qui va au-delà de ce qu'on voit? Tout d'abord,
l'espoir que l'Autre se révélera concrètement. Et c'est la possibilité de la
production et de la reproduction de la vie qui dépasse la vue du visage. Ainsi,
la missiologie de la libération signifie penser à un Autre, mais à un Autre qui
se révèle dans l'histoire, qui se révèle par l'Autre, qui est le mystère
incompréhensible de notre liberté. Croire à la révélation de l'Autre est de
comprendre le sens de l'histoire.
Pour que la mission soit
libérée, il faut découvrir la signification du présent historique. Et cela
dévoile le sens du présent historique s'appelle la prophétie, la parole. Mais
pour parler devant qui ? Dans la modernité, ce parler devant, nous a conduit à
la lecture formelle d'aller. Nous devrions aller, parler devant. Bien sûr, la
prophétie doit parler de la signification des événements présents à travers la
vie chrétienne (Dussel, 1985 : 15), dans cette haute modernité du chaos et de
la crise, le défi n’est pas aller, mais de recevoir. Nous vivons dans la
localité mondiale, nous ne sommes pas appelés à aller, mais à recevoir, parce
que les exclus et les expropriés sont parmi nous, avec nous. Ainsi, contre la
logique qui n'accepte pas l'extériorité, la mission dans la haute modernité est
de recevoir et de vivre la réalité de la foi sur le terrain de la vie (Golfe,
articles).
La mission libératrice
reconnaît la vie du point de vue analéctique : où l'Autre se présente comme une
altérité, parce qu'elle éclate comme étrange, différente, exclue, qui est en
dehors du système et appelle à la justice.
Et Dosse (2012) quand il parle
de « Le socius et le prochain »
de Ricoeur (1954) dit que « il
envisage toutes les conséquences à tirer de l’inversion pratiquée par Jésus en
considérant que le prochain est d’abord une rencontre avec autrui, une
attitude, un comportement, une action, une praxis ».
L'activité missiologique est
une activité de confrontation qui concerne avec des personnes qui savent qui il
faut interpeller, et ne pas se présenter comme spectateurs passifs.
L'analéctique est une
contribution à la question méthodologique, qui part de l'extériorité, qui est
réelle en raison de l'existence de la liberté humaine, capable de constituer
d'autres histoires, d'autres cultures et d'autres mondes. La logique hégélienne
et, par extension, la dialectique n'atteint pas l'horizon du monde, elle
englobe l'Autre et l'annule dans son altérité. Mais, au-delà de l'identité
divine et au-delà de la dialectique ontologique de Heidegger, il y a un moment
anthropologique qui affirme une nouvelle façon de penser la missiologie.
L'analéctique est le fait que
l'être humain, la communauté ou les gens sont toujours situés au-delà de
l'horizon de la totalité. Le moment analéctique est le point de soutien pour
les nouveaux développements. Cependant, le point de départ du discours
méthodique est l'externalité de l'Autre. En alternative à la dialectique qui
fonctionne avec contradiction, identité et différence, le principe n'est pas
celui de l'identité, mais de la distinction. Le moment analéctique suit une
séquence, la totalité est remis en question par l'interpellation provocante de
l'Autre. Écouter sa parole est avoir une conscience éthique, accepter le mot
d'interpellation de la personne qui parle ; pour l'interpréter correctement
(Dussel, 1980 : 163-164). C'est se lancer dans la praxis des exclus et des expropriés.
Depuis le XVIe siècle,
l'Amérique latine a été un continent ontologiquement opprimé par une « volonté
de pouvoir » exercée dans le monde entier par l'Europe. La « volonté de
pouvoir » est un pouvoir qui critique non seulement les valeurs établies, mais
propose de nouvelles, propose des valeurs en totalité du côté dominant de la
bipolarité. L'Amérique latine a donc l'idéal d'être européenne.
Dans l'analéctique, il devient
nécessaire d'accepter éthiquement l'interprétation du cri et la médiation de la
praxis. Cette praxis est constitutive, une condition de la possibilité de la
compréhension : elle se traduit par l'adoption de l'extériorité, lieu de
l'exercice de la conscience critique. Sans le moment analéctique, la méthode
peut être considérée comme scientifique, mais elle est réduite au facteur
naturel, logique ou mathématique.
Le moment analéctique est
l'affirmation de l'extériorité : ce n'est pas seulement la négation de la
négation du système par l'affirmation de la totalité. C'est le dépassement de
la totalité à partir de la transcendantalité intérieure ou de l'extériorité de
celui qui n'a jamais été à l'intérieur. Le moment analéctique est critique pour
cela : c'est le dépassement de la méthode dialectique négative, mais il ne le
nie pas, car la dialectique ne nie pas la science, l'assume simplement et la
complète, lui donne sa juste valeur. Affirmer l'extériorité est de réaliser
l'impossible pour le système, l'imprévisible pour la totalité, ce qui découle à
partir de la liberté inconditionnelle et innovante (Dussel, 1980 : 164-165). Ce
n'est que par de l'analéctique que l'on peut se compromettre avec l'autre, au
point de risquer sa vie dans la lutte pour la libération de cet autre, en plus
de permettre la justice du système. En conséquence, l'analéctique est pratique :
c'est une économie, une érotique, une pédagogie et une politique qui visent à
la réalisation de l'altérité humaine, une altérité qui n'est jamais solitaire,
mais l'épiphanie des gens, des genres, des croyances, d'une génération, d’un
temps et de l'espèce humaine (Novoa, 2001 : 151-152).
La question pédagogique n'est
pas abordée par Heidegger parce qu'il pense que le « être dans le monde » ne
provient que de l'homme. Mais il a oublié que celui qui donne un sens à mon
monde est l'autre. C'est dans le processus pédagogique que mon monde est
organisé. Quand je me trouve dans un autre, je me trouve à nouveau.
L'analéctique n'est donc pas
une théorie pure comme la science et la dialectique, mais elle est pratique,
car son essence constitutive est l'éthique. S'il n'y a pas de praxis, il n'y a
pas d'analéctique, car la pratique - la relation personne / personne - est la
condition pour comprendre l'autre et exercer la plénitude de la conscience
critique devant le système. Le moment clé de la lecture analéctique est de
savoir comment écouter, de savoir être disciple de l'autre, pour l'interpréter :
c'est s'engager dans sa libération. Cela implique de vaincre la totalité
ontologique divinisée, de descendre de l'oligarchie académique et culturelle,
de s'exposer aux exclus et expropriés par le système.
Zizek 2
Le logos, le fondement de la
raison ?
En citant le pape Benoît XVI
de manière critique, Zizek dit : « Le
pape a condamné la ‘ laïcité sans Dieu ’ dans laquelle le don divin de la
raison a été mal représenté dans une doctrine absolutiste. La conclusion est
claire : la raison et la foi doivent ‘ se réunir d'une autre manière ’, en
décrivant leur point commun dans le Logos divin, et c'est pour ce grand Logos,
pour cette ampleur de la raison, que nous invitons nos partenaires dans le
dialogue entre les cultures ». (Zizek, Milbank, 2014 : 116).
Dans sa réflexion sur le
dépassement des totalités ontologiques à partir de l'ouverture à l'altérité,
Dussel affirme qu'un tel dépassement se produit avec la métaphysique, comprise
au-delà de la totalité ou au-delà de la fondation. Et il le fait parce que la
métaphysique n'est pas seulement ontologique, mais fonctionne à travers la
découverte d'un plus au-delà du monde. Et comme en grec, " ana " signifie plus loin, et "
logos " signifie mot, analogue
prend le sens du mot qui éclate dans le monde au-delà de la fondation. La
méthode ontologique-dialectique atteint la fondation du monde à partir d'un
avenir, mais elle est devant l'Autre comme un visage de mystère et de liberté,
d'une histoire distincte mais pas différente (Dussel, 1977 : 117-138). Par
conséquent, lorsque le Logos éclate comme interpellant, il cesse d'être
paradoxal, il est analogue.
La dialectique est un à
travers. Dans le Logos, un premier moment surgit du mot interpellant, au-delà
du monde - c'est le point de soutien de la méthode dialectique, qui passe de
l'ancien ordre au nouvel ordre. Ce mouvement d'un ordre à l'autre est
dialectique, mais c'est l'Autre exclu et exproprié qui est en fait le point de
départ. L'analéctique est le Logos qui va au-delà. La lecture analéctique provient
de cet Autre et avance dialectiquement, il y a une discontinuité qui résulte de
la liberté de l'Autre. Cette méthode prend en compte le mot de l'Autre comme
autre, met en dialectique toutes les médiations nécessaires pour répondre à ce
mot, s'engage par la foi-positionnement dans le mot historique et toutes ces
étapes, en attendant le jour où il peut vivre avec l'Autre et penser sa parole
(Dussel, 1977 : 127-128).
Les antécédents de
l'analéctique ont été posés par les post-hégéliens et Levinas, non par les
philosophes modernes, ni par Heidegger, car ils comprennent tout dans la
conception de l'être. Mais les vrais critiques de la pensée euro-centrique sont
les mouvements de libération du tiers-monde, parce qu'ils écoutent l'autre, les
non-européens qui ont été exclus et expropriés. Pour cela, ce qui est au-delà,
la dialectique n'est pas suffisant. L’analéctique est nécessaire, parce qu’elle
est capable non pas voir mais d'entendre le mot critique de l'autre, capable
d'éveiller la conscience éthique et d'accepter ce mot, par respect et
foi-positionnement de l'Autre, dont l'interpellation n'est pas interprété
correctement parce que sa fondation transcende notre horizon (Novoa, 2001 :
151-152). Nous partons de la critique de Levinas, mais dans Levinas l'Autre est
un autre résumé, passif. Levinas est restée au milieu de la route, car il a une
pédagogie, mais il manque d'une politique : il n'a jamais imaginé que l'Autre
puisse être musulman. Sa méthode est épuisée au début. Par conséquent, il faut
aller au-delà de Levinas et, bien sûr, au-delà de Hegel et Heidegger, au-delà
de cela parce qu'ils sont ontologues et au-delà de Levinas par lui pour rester
dans une métaphysique de la passivité et de l'altérité équivoque (Dussel, 1977 :
130).
Zizek 3
Les théologiens sont les vrais
athées
« Il n'y a pas de preuve - et il ne peut y en avoir - que Dieu existe.
Plutôt, que d'être motivé par la preuve, le croyant est motivé par le désir que
Dieu existe. Ceci, cependant, est la meilleure preuve que Dieu n'existe pas, car
nous ne pouvons que souhaiter qu'existe ce qui n'existe pas. Le théisme est la
meilleure preuve de la non-existence de Dieu. Ceci, encore une fois, est ce que
Lacan affirme effectivement : les théologiens sont les seuls athéistes vrais ».
(Zizek, Milbank, 2014 : 384).
Après « La question juive », Marx fait la
critique économique du christianisme. Cette critique s'adresse aux églises, car
pour Marx elles sont l'expression de la misère. Mais il critique aussi la
religion quand il analyse le « fétichisme marchand », car la lecture religieuse
du monde réel ne disparaîtra que lorsque les conditions de vie actuelles
disparaîtront. Mais pourquoi ? En quoi consiste cette lecture du monde réel ?
Parce que le regard religieux voit l'existence séparée des rapports construits
par les êtres humains. Mais cette existence indépendante des relations
sociales, cette existence non-réelle, est un reflet d'un autre réel. Cette
division entre l'apparence qui cache l'existence et dissimule la réalité est le
phénomène du fétichisme. Le fétichisme de la marchandise, un mode de fétichisme
étrange, consiste en ceci : il cache le caractère social du travail et se
manifeste comme s'il s'agissait d'un caractère matériel des produits du travail
lui-même. C'est-à-dire, par rapport à la marchandise, il en va de même dans le
monde de la religion, la réalité est séparée, aliénée, des relations de
travail, de l’essentiel concret et de son produit, créant une réalité
apparente, comme si la valeur de la marchandise appartenait par droit à sa propre
structure indépendante.
Une missiologie de la
libération est une éthique de la vie. Il y a ici un passage de raison
stratégique, en tant que domaine stratégique des forces sans sujet, vers la
raison libératrice, située au niveau de la microphysique du pouvoir. Et je
comprends cette question à partir des barricades de mai 68. Est-ce que la
raison libératrice, donnée comme une synthèse de l'action
critique-déconstructive, d'abord, puis d'adopter l'action constructive de
règles, de sous-systèmes et de systèmes complets ? Est-ce que la raison
libératrice a de l'élément qui n'est pas une raison instrumentale, mais une
raison de médiation au niveau pratique ? Si la raison libératrice vise une fin
réussie, il faut comprendre que, comme raison critique, cette fin est une
médiation de la vie humaine elle-même, en particulier lorsque les exclus et les
expropriés participent à cette action.
C'est à partir des exclus et des
expropriés en tant que participants que la raison critique stratégique
accomplit l'action transformatrice. Mais qui est ce sujet des transformations
et comment la mission est-elle articulée avec ce sujet historique ? Maintenant,
la mission est la conscience éclairée du christianisme. Agir mission peut
provenir d'une église étrange pour les exclus et expropriés, mais elle
s'accroche au cri de la vie non pas par des sentiments forcément religieux,
mais pour aller au de lá. Pour cette raison, la mission est toujours exposée
aux oscillations opportunistes, parce que elle ne perd pas le lien idéologique
avec le terrain maternel et son messianisme.
Mais la mission libératrice
n'est pas seulement une raison stratégique qui cherche à atteindre les fins que
la tactique et les circonstances imposent. En fait, vous n'avez pas les mains
libres. En ce qui concerne la mission libératrice, en ce qui concerne les
exclus et les expropriés, le succès dépendra des conditions de possibilité,
c'est-à-dire qu'il sera impossible de séparer la théorie et la pratique. Par
conséquent, la missiologie de la libération doit pouvoir intégrer les principes
énoncés dans le choix des fins, des moyens et des méthodes, qui conduisent à
une praxis critique et positionnent l'Autre comme analogue.
Le système mondial dans cette
Haute modernité de chaos et de crise, en rendant impossibles la production et
la reproduction de la vie, va approfondir son chaos et sa crise en semant la
famine, la maladie, la terreur et la mort. Les victimes sont ces milliards
d'êtres humains dont la dignité et la vie sont détruites en permanence. La
haute modernité et sa mondialisation ont conduit à un meurtre de masse et à un
suicide collectif. Ce sont les chevaux de l'Apocalypse. C'est dans ce
fétichisme du capital qui se présente comme un système performatif formel, où
l'argent produit de l'argent.
C'est donc pour la mission
libératrice d'élever une éthique en tant que ressource face à une humanité en
danger d'extinction (Dussel 2000 : 574). À cette missiologie que nous appelons
la libération, c'est la coresponsabilité de la solidarité qui part du critère de
la vie par rapport à la mort, de marcher avec dignité sur le chemin de la
frontière, entre les abîmes de la cynique irresponsabilité éthique devant les
exclus et les expropriés et la paranoïa fondamentaliste.
Nous sommes ici devant le
sujet historique qui pointe vers l'espoir eschatologique, qui s'ouvrira en
allant au-delà de la haute modernité, où l'être humain exclu et exproprié non
seulement du système, mais du droit à la production et à la reproduction de la
vie, mèttra à l’ordre de jour la question de la révolution comme promesse
eschatologique. Et la missiologie de la libération doit comprendre que cette
action et cette posture ne nient pas l'analogue de Christ, mais qu'elle doit
cesser d'être simplement une herméneutique théorique et se développer comme une
présence qui sous-tend une transformation pratique, car cela ne se produit
qu'au sens strict d'une éthique de la libération, non-fondamentaliste ni
salvationniste.
C'est pourquoi la missiologie
de la libération doit s'efforcer de présenter un principe universel : le devoir
de production et de reproduction de la vie de chaque être humain. Ce principe
est objectif et subjectivement nié par le système mondial et par la
mondialisation.
En ce qui concerne les
considérations finales
« Deux ou trois choses » …
Et je retourne à Goddard de
« Deux ou trois choses que je sais
d'elle », quand il cite le Tractatus Logico-Philosophicus de
Wittgenstein: « Les limites de mon
monde sont les limites de mon langage ». Mais alors, nous voyons
Juliette traverser Paris et dire : « Mais
le monde, c'est moi ».
Le langage et la personnalité,
la mission libératrice va au fil du rasoir : d'un côté est le déni de la
présence et de la réception de l'Autre et, d'autre part, le fondamentalisme
pro-intégration. Par conséquent, la stratégie et la tactique doivent être
basées sur des critères clairs et un principe général - le devoir de production
et de reproduction de la vie - qui permettent de se conformer aux médiations
existantes. C'est dans ce sens que recevoir, et tout ce qu'implique, rompt la
discussion très moderne entre le paradoxe et la dialectique. Il n'y a pas de
paradoxe parce que le Christ est analogue et la méthode est analéctique. Les
objectifs stratégiques doivent être définis dans ces principes généraux, de sorte
que, avec une faisabilité éthique critique, la mission peut nier les causes du
déni de la victime. Il s'agit d'une lutte déconstrutive, qui requiert des
moyens proportionnels à ceux contre lesquels la lutte se dispute.
Mais si, d'une part, la
mission traduit une action déconstructive dans cette haute modernité du chaos
et de la crise, d'autre part elle favorise les transformations constructives
projetées dans l'espérance eschatologique. Et Dieu existe dans cet espérance et
cette possibilité de production et de reproduction de la vie, et le Christ
n'est plus une monstruosité ou un paradoxe, mais analogue. Et c'est dans ce
sens que Dieu existe et le Christ est analogue, car ils sont projetés dans
l'éternel maintenant, planifié, réalisé en progression, mais jamais totalement.
Bibliographie
DECLARAÇÃO
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Montpellier, 19/10/2017
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