dimanche 3 juillet 2022

Le tsimtsoum

Le tsimtsoum (de l'hébreu צמצום, contraction) est un concept de la Kabbale. Il traite d'un processus précédant la création du monde selon la tradition juive. Ce concept dérive des enseignements d'Isaac Louria (1534-1572), Ari zal de l'école kabbalistique de Safed, et peut se résumer comme étant le phénomène de contraction de Dieu dans le but de permettre l'existence d'une réalité extérieure à lui.

 

Ishtehar Tiqvah
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Origine de la théorie du tsimtsoum

« Qu'est-il arrivé avant le commencement des temps pour que commencement il y ait ? » Jusqu’à ce qu’Isaac Louria s’intéresse à cette question, le Dieu des religions n’avait d’intérêt qu’en tant qu’il se manifestait aux hommes. Le Dieu d'avant la création n’était ni un souci, ni un problème important, selon Charles Mopsik[1].

« Comment Dieu créa-t-il le monde ? – Comme un homme qui se concentre et contracte sa respiration, de sorte que le plus petit peut contenir le plus grand. Il a ainsi concentré Sa lumière dans une main, à Sa mesure, et le monde fut laissé dans les ténèbres, et dans ces ténèbres il tailla les rochers et sculpta la pierre », explique Isaac Louria[2]. Louria conçoit ainsi la première manifestation de Dieu. Nahmanide, un kabbaliste du xiiie siècle, imaginait un mouvement de contraction originelle, mais jusqu’à Louria, on n’avait jamais fait de cette idée un concept cosmologique fondamental, remarque Gershom Scholem[3].

« La principale originalité de l'hypothèse lourianique tient au fait que le premier acte de la divinité transcendante — ce que les kabbalistes appellent le En Sof (l’Infini) — n’est pas « un acte de révélation et d’émanation, mais, au contraire, un acte de dissimulation et de restriction »[3] ».

Cette thèse part de l’idée que la transcendance divine, le En Sof, ne laisse aucune place à la création, car il n’est pas possible d’imaginer en son être un domaine qui ne soit pas déjà en lui, puisque ce domaine, alors, contredirait l’infinitude du En Sof. Par conséquent, la création n’est possible que par « le retrait de Dieu en lui-même », c’est-à-dire par le tsimtsoum par lequel Dieu se contracte ou se concentre en lui-même pour permettre à quelque chose qui n’est pas le En Sof d’exister[3].

Cette contraction ou concentration crée le vide, c’est-à-dire l’espace, à l’intérieur duquel le cosmos prend place et s’organise peu à peu en se déployant à travers toute une série de mondes entrelacés[1]. Une part de la divinité se retire afin de laisser place au processus créateur du monde, un retrait qui précède toute émanation, selon Louria[3].

La tradition talmudique mettait déjà en jeu le tsimtsoum. Ainsi, selon le Talmud, Dieu se contractait en lui-même pour se loger en un lieu unique, le Saint des saints du temple de Jérusalem. Mais Isaac Louria donne au tsimtsoum la signification inverse, note Scholem : « Il ne s’agit pas de concentration de la puissance de Dieu en un lieu unique », chez Louria, « mais de son retrait d’un lieu »[3].

Le lieu dont Dieu se retire ne consiste qu’en un « point », comparé à son infinité, mais ce point vide, ce point spatial, comprend le monde et tous ses degrés d’existence, tant spirituelle que corporelle, selon Louria. C’est l’espace primordial, appelé tehiru, par Louria, un terme repris du Zohar.

C’est à partir de cette conception que se précise ce en quoi consiste le En Sof dans la théorie lourianique. Le En Sof, selon Louria, comprend d'emblée deux aspects fondamentaux : celui de la Miséricorde (l’aspect masculin) et celui du Jugement (l’aspect féminin). L'un comme l'autre sont en lui de toute éternité. Mais l'un d'eux, l'aspect du Jugement (din), n'a pas de localisation propre : il est dissout comme du sel dans l'océan de la pure miséricorde. Le jugement y est imperceptible, « comme des grains de poussière infinitésimaux perdus dans un abîme de compassion sans bornes[1] ».

Premier mouvement dans le En Sof allant vers l'émanation et la création des mondes, ces grains infimes de jugement, dissous au point d’être dépourvus de toute réalité propre, ces grains de jugement se recueillent et se condensent.

Ce degré zéro de manifestation équivaut au passage du néant à l'être, observe Charles Mopsik : « la création ex nihilo (yéch méayin), désigne ici le recueillement du Jugement, sa venue à l'être ou sa manifestation[1] ».

L'être (doué du jugement) qui émerge primordialement du néant et qui constituera l'ossature des mondes, est à la source de toute rigueur et de toute sévérité, pour Louria. Cette émergence entraîne aussitôt un retrait de la puissance de miséricorde qui constitue les « masses d'eaux » de l'océan primitif, à savoir le En Sof. Ce retrait de l’océan de Miséricorde fait place à quatre mondes successifs : le monde de l’émanation, puis le monde de la création, puis le monde de la formation, enfin le monde de la fabrication (c’est-à-dire le monde actuel). En se retirant, Dieu laisse comme des traces de vagues sur une plage, des traces que Louria assimile aux reflets de la lumière de la Miséricorde, une sorte de résidu d'infini lumineux dans un univers limité par la puissance restrictive du Jugement[1].

Textes

  • Joseph Ibn Tabul, Derush Hefzi-Bah, publié dans Simhat Cohen de Massud ha-Kohen al-Haddad, Jérusalem, 1921, réédité par Weinstock, Jérusalem, 1981.
  • Hayyim Vital, Etz Haim (L'Arbre de Vie), édité par Isaac Satanow, Korsec, 1782 ; réédité à Varsovie en 1890 et à Tel-Aviv en 1960.
  • Naphtali Bacharach, Emek ha-Melekh (La Vallée des rois), une version de la théorie lourianique par un rabbin allemand du xviie siècle, proche de la version d'Ibn Tabul, éditée à Amsterdam en 1648 ; rééditée par Yerid ha-Sefarim, Jérusalem, 2003.
  • Christian Knorr von Rosenroth, Kabbala denudata, ouvrage monumental qui contient une traduction latine partielle du Etz Haim de Hayyim Vital, ainsi qu'une traduction complète du Emek ha-Melekh de Naphtali Bacharach, parmi bien d'autres traductions latines de textes de la Kabbale, avec des commentaires de l'auteur, éditée à Sulzbach à 1677, pour le premier volume, et à Francfort en 1684 pour le second. Ce fut le principal véhicule de la théorie lourianique dans le monde chrétien. C'est l'ouvrage que connaissaient Leibniz ou Newton.

ÉtudesModifier

  • Gershom Scholem, Les grands courants de la mystique juive, Payot, Paris, 1954.
  • Gershom Scholem, La kabbale, trad. de l'anglais., Gallimard, coll. Folio essais, Paris, 1974.
  • Charles Mopsik, Aspects de la Cabale à Safed après l’Expulsion, dans Inquisition et pérennité (ouvrage collectif) sous la direction de David Banon, Le Cerf, 1992.
  • Marc-Alain Ouaknin, Concerto pour quatre consonnes sans voyelles, Balland, Paris, 1992.
  • Gérard Nahon, La Terre sainte au temps des kabbalistes, 1492-1592, Albin Michel (Présences du judaïsme), Paris, 1997.
  • Gershom Scholem, La Kabbale. Une introduction, origines, thèmes et biographies, Le Cerf, Paris, 1998.
  • Eliahu Klein, Kabbalah of Creation: Isaac Luria's Earlier Mysticism, Jason Aronson Publishers, Northvale, New York, 1999.
  • Charles Mopsik, Cabale et Cabalistes, Albin Michel, Paris, 2003.

Wikipedia
Le tsimtsoum pour les nuls


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