jeudi 20 février 2014

L’évangile -- un message subversif

L’évangile de Jésus est un message subversif
Georges Siguier -- pasteur de l'Église réformée de France

Que ce monde passe et que ton règne vienne !”

“A tous les oiseaux de proie volant très haut dans les airs l’ange, debout dans le soleil, cria: venez, rassemblez-vous pour le grand festin de Dieu ! Venez manger la chair des rois, la chair des chefs, la chair des puissants, la chair des chevaux et des cavaliers, la chair de tous les hommes, esclaves et libres, grands et petits.” (Apocalypse 19 17 et 18 ) cf (Ezéchiel 39 17 à 20)

1° l’évangile de Jésus-
2° Cet évangile est un message subversif
3° Il crie le règne de Dieu est proche !
4° La double perversion du christianisme
5° L’amour de l’ennemi
6° L’ amour et l’unité entre frères en Christ
7° La double repentance à pratiquer
8° Interrogations

L’évangile de Jésus

Quand nous employons le mot “ évangile” nous traduisons un mot grec qui signifie: “ bonne nouvelle” , “ joyeux message “ ou “heureuse information”. Et quand nous parlons de l’évangile de Jésus, nous parlons du message qu’annonçait Jésus en son temps, c’est à dire au cours de ces brèves années qui vont de son baptême au Jourdain à sa mise à mort sur la croix. Il est donc question ici de la bonne nouvelle que proclamait le prophète de Galilée, du joyeux message qu’annonçait aux foules d’Israël “l’homme venu de Nazareth “. Ce message, cet évangile de Jésus est l’annonce que Jésus faisait au sujet de Dieu et de son règne; voici cette annonce:

“Le règne de Dieu est tout proche !”

Il faut distinguer ce que Jésus disait là de ce que, après sa résurrection, l’église naissante proclamait au sujet de Jésus. Cette proclamation par l’église primitive, et dont tout le nouveau testament témoigne, est également un évangile à publier, mais c’est l’évangile au sujet de Jésus: la grande nouvelle de sa résurrection, de son ascension “ à la droite de Dieu” comme Seigneur et Sauveur, de son règne qui vient, et de son retour.

Ce message chrétien, prêché au monde, concerne donc Jésus mais il ne doit pas être confondu avec le message que ce Jésus lui-même communiquait à ses contemporains, en reprenant d’ailleurs le message de Jean-Baptiste venait tout juste de proclamer à Israël:
“Aprés que Jean eut été arrêté, Jésus vint en Galilée. Il proclamait l’évangile de Dieu en disant: “ Le moment voulu par Dieu est arrivé: le Règne de Dieu est là ! revenez à Dieu et croyez à la bonne nouvelle. “ (Marc 1 14 et 15)

Tel est, si je puis dire, le “ credo primitif “ de notre Maître, son message fondamental et primordial, son évangile originel et fondateur, sa parole proclamée à Israël.
Telle est l’Annonce messianique du Messie de Dieu, selon les témoignages unanimes des évangiles du nouveau testament. Voilà l’évangile de Jésus.

2° Un message subversif

Ce que je voudrais exposer ici, brièvement, c’est le caractère subversif de cet évangile annoncé par Jésus. En même temps, j’évoquerai la façon dont l’Eglise chrétienne, dés le second siècle, a peu à peu édulcoré, changé et perverti cet évangile, subversif de Jésus. Comment ? Il lui a suffi d’abandonner l’attente enthousiaste du retour proche de Jésus et de l’avènement du Royaume de Dieu. Il lui a suffi “ d’abandonner son amour du début “ (Apocalypse 2 4) et de s’installer progressivement dans le “ train de ce monde” en y devenant une Puissance. Mais n’oublions pas de rappeler d’abord le sens du mot: “ subversif “. Le dictionnaire ( petit Robert ) définit l’adjectif “subversif” en disant: “ qui renverse ou qui détruit l’ordre établi; qui est susceptible de menacer les valeurs reçues”. C’est ainsi, dit-il qu’on parle “ d’idées subversives ou d’activités subversives”, surtout dans le domaine politique.

A partir de là peut-on appliquer à l’Evangile de Jésus le qualificatif de “ subversif” ?

Bien sur que oui, dés qu’on comprend que l’arrivée du Règne de Dieu va mettre le point final, sur la terre, au règne des pouvoirs humains qui s’y exercent. Certes l’évangile ne prêche pas une révolution violente ou l’établissement d’un “ordre établi” ! Jésus ne cherchait absolument pas à renverser et à détruire par la force les Pouvoirs établis qui dirigeaient son peuple, soit le pouvoir de la caste des prêtres du Temple soit le pouvoir de la puissance étrangère des Romains. Certes par sa parole, et par les signes qui l’accompagnent, il combat sans faiblesse le péché des chefs religieux et politiques. Mais cette parole est radicalement non -violente, tout comme Jésus lui-même est totalement non-violent. Il n’est pas un révolutionnaire au sens classique du terme et, lors de son arrestation, il désarme Simon-Pierre qui a commencé a utiliser son épée.

Mais il est même temps tout le contraire d’un mou, d’un passif, d’un religieux fuyant le monde et laissant se poursuivre sur la terre le règne de la force, de la puissance et de l’argent.

Non, Il est le combattant suprême contre le mal, mais Il laisse à Dieu son Père le soin de faire justice et de réprimer les méchants.Il se place au coeur de ce combat sans merci qui oppose d’un coté le Seigneur Dieu et ses prophètes et de l’autre,le monde des hommes, leurs pouvoirs et le pouvoir laissé au “prince de ce monde” , le diable ( Mathieu 4 8 ) Et les violents vont poursuivre jusqu’au crime leur tentative d’empêcher le Règne de Dieu d’advenir, jusqu’à assassiner Jésus.

Car ce qui déclenche la fureur des puissants, c’est précisément la présence et la parole de cet obscur Galiléen qui se met à crier partout, “ l’arrivée du grand “ jour de l’Eternel”, l’arrivée du “ Royaume” qui va mettre fin, sur la terre sainte, au règne des pouvoirs, des autorités et des dominations qui écrasent et asservissent les enfants de Dieu.

Nous comprenons donc pourquoi l’évangile de Jésus est si subversif. C’est parce que, ni plus ni moins, il annonce le jugement et la disparition des pouvoirs de ce monde, ceux qui règnent sur les non-juifs ( les “ païens” ) et ceux qui règnent sur le peuple juif.

C’est la royauté et le royaume de Dieu qui sont subversifs ! !
Surtout quand ils sont annoncés pour l’immédiat, pour le très court terme ! !

3° “ Le Règne de Dieu est là, il arrive ! “

Voilà la nouvelle que “ l’homme de Nazareth “ annonçait en parcourant tout le pays d’Israël: l’arrivée, l’imminence et la proximité du Royaume de Dieu, du Seigneur d’Israël.
Et c’est cette nouvelle-là qui bouleversait tout !

“ Le Royaume de Dieu est proche ! “ ou:
“ Le Royaume de Dieu arrive maintenant !” ou
“ Le Règne de Dieu est là !

Ces trois mots français “ royaume, règne, royauté “ correspondent à l’unique mot grec que présentent ces phrases de l’évangile ( “ basileia “ ). Suivant les cas, il vaut mieux traduire par l’un ou l’autre de ces trois mots. Mais le sens fondamental est le même: le coeur du Message de Jésus, le centre de l’évangile annoncé par le prophète galiléen, c’est l’annonce que “ le Royaume de Dieu est proche “ .

Aujourd’hui encore, dans notre pays, une telle annonce, si elle se faisait trop publique et trop insistante exposerait l’annonceur à une mise en examen en justice ! L’annonce apocalyptique de la fin des temps toute proche et de l’intervention imminente de la royauté du Dieu des juifs dans l’histoire, cette annonce est considérée comme un “délit”, une extravagance sectaire ou un dérangement mental. D’où le silence quasi général des autorités religieuses chrétiennes sur ce point lorsqu’elles parlent en public à la population de notre pays. Or, lorsque Jésus prêche son évangile, il est non pas un théologien qui disserte avec d’autres théologiens, mais un prophète bouleversant qui informe tout Israël de l’Evènement: l’intervention finale et ultime de la royauté du Seigneur Dieu est annoncée pour l’immédiat. Son Royaume arrive, son Règne est là. D’où l’urgence de la conversion avant que ce jour-là ne surgisse, à l’improviste: “ revenez à Dieu ! “

Et Jésus est parfaitement compris par ses auditeurs car tous, depuis le grand prêtre jusqu’au petit peuple des campagnes, sont au courant de la grande promesse du Dieu de leurs pères. Ils savent tous que, depuis des siècles, les prophètes envoyés par Dieu ont prédit ce “Jour “ inouï où serait enfin instauré sur la terre ce royaume divin où régnera la justice de Dieu, où la terre sera changée en paradis de vie éternelle et de bonheur perpétuel. Le ciel descendu sur la terre !

Et tout le monde sait que le réalisateur de ce Royaume sera le Messie, le Christ, c’est à dire le serviteur choisi et désigné par l’onction divine, le Roi-Libérateur, le Sauveur. Tous l’attendaient.

Que ce monde nouveau soit le contraire du monde actuel, que ce royaume soit l’inverse des royaumes de ce monde, que ce règne s’accompagne de l’abolition de tous les pouvoirs établis jusqu’alors, c’est ce qu’attendaient les auditeurs de l’évangile originel, en particulier les pauvres, les malheureux, les victimes de l’injustice et de la violence.

Ils ne s’y trompaient pas, ces premiers disciples qui, d’aprés Luc 6 17 et suivants, entendaient la proclamation inaugurale du Royaume sur les livres du prophète de Nazareth:

“ Vous êtes heureux, vous les pauvres, parce que le Royaume de Dieu est à vous ! “ Vous êtes heureux, vous qui avez faim maintenant, parce que vous serez bien nourris ! “Vous êtes heureux, vous qui pleurez maintenant, parce que vous rirez ! Dieu vous prépare une récompense.
Mais quel malheur pour vous les riches, parce que vous avez déjà votre bonheur ! Quel malheur pour vous qui avez maintenant tout ce qu’il vous faut, parce que vous aurez faim ! ..”

Et Jésus annonçait cette Bonne nouvelle dans toutes les villes du pays d’Israël.
Était-elle subversive, cette bonne nouvelle ? oui !
Était-elle politiquement subversive ? oui !
Était-elle radicale et renversante ? oui !
Était-elle vraie, cette annonce ?
Et, oui ou non, Lui, était-il le Roi promis par Dieu ?

4° La double perversion du christianisme

Si pendant deux minutes, j’essaye de parler en historien, j’oserai affirmer ceci:
Le christianisme a trahi le Christ.

Le christianisme a subverti l’évangile. Ce qui, dans le message proclamé par Jésus était radicalement subversif pour l’ordre établi sur la terre et pour tous les pouvoirs, juifs ou païens, tout cela a été peu à peu effacé ou édulcoré. Progressivement l’annonce du Royaume imminent a cédé la place à une religion chrétienne, un “ christianisme”, une grande “ église” installée dans le siècle présent et jouant le jeu des puissances de ce monde, avec les violences et les logiques des politiques humaines..

Le tournant catastrophique a été pris dés le 4° siècle, quand l’Eglise est devenue religion d’Etat, religion officielle de l’Empire romain et a constitué partout ce système politico-religieux que l’on appelle la “ chrétienté “, dirigée et dominée par des chefs religieux ( dont, par ailleurs, la foi et la piété ont été souvent grandes et les qualités humaines admirables ! )

Cette histoire de la chrétienté s’est caractérisée et se caractérise toujours par une double déviation, une double déformation, une double trahison du message de Jésus, une double “ apostasie “ c’est à dire deux éloignements , majeurs et permanents, par rapport à la volonté et à l’enseignement du Seigneur Jésus le Messie d’Israël.

a/ D’une part les chrétiens se sont mis à se faire la guerre entre eux: division du corps du Christ.
b / D’autre part les chrétiens se sont mis à faire la guerre à leurs ennemis non-chrétiens: préparation et usage des armes contre les ennemis religieux ou politiques.

Double subversion de l’évangile fondateur, prêché par le Maître puis béni et glorifié par Dieu. Car le Père a ressuscité son fils unique puis l’a élevé à sa droite comme Seigneur et Roi, n’est-ce pas pour approuver son évangile et lui conférer une valeur divine et une autorité éternelle ? De telle sorte que désormais, “ Évangile de Jésus “ et “ Évangile de Dieu “ sont le même, message, la même et l’unique Parole de Vérité.

Depuis toujours les chrétiens ont tendance à minimiser la gravité de cette tragédie où, collectivement et constamment, les disciples du Christ ont doublement tourné le dos à l’enseignement du Christ.

D’une part en créant et en légitimant la division de l’Eglise en fractions rivales et concurrentes, les “Églises “. D’autre part en légitimant et en pratiquant l’emploi des armes et de la violence meurtrière contre leurs ennemis, au nom des diverses théologies de la guerre juste ! Pour expliquer qu’il s’agit là d’une double perversion de l’évangile prêché par Jésus, il me suffira de rappeler ce que l’on appelle traditionnellement le “ sermon sur la montagne “. J’y soulignerai d’abord le commandement de l’amour pour les ennemis; en faveur des ennemis, les disciples de Jésus entendent:

1° :” Aimez vos ennemis !” ( Mathieu et Luc )
Ensuite je mettrai en évidence le commandement de l’amour entre disciples de Jésus, l’ordre de l’unité et de la communion fraternelle entre chrétiens:
2°: “Aimez-vous les uns les autres !” ( Jean )
Ces deux domaines-là recouvrent toutes nos relations avec les hommes, c’est à dire les frères et soeurs dans l’église, et tous les autres hommes dans la société de ce monde. Dans ces domaines, l’Eglise issue de l’évangile perpétue une perversion du christianisme, une subversion de l’évangile subversif de Jésus; toutes dénominations chrétiennes confondues !
Mais voyons d’abord comment Jésus ordonnait à ses disciples l’amour pour leurs ennemis ( c’est le domaine politique et la sphère socio-économique de notre vie humaine sur la terre ).

5° : L’amour des ennemis

“Vous avez appris qu’il a été dit aux anciens: “ Tu ne commettras pas de meurtre, celui qui commettra un meurtre en répondra au tribunal”. Et moi je vous dis: quiconque se met en colère contre son frère en répondra au tribunal...” ( Matthieu 5 21 ss )

“ Vous avez appris qu’il a été dis : oeil pour oeil et dent pour dent,et moi je vous dis de ne pas résister ( riposter ) au méchant. Au contraire si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui aussi l’autre joue.... “ ( Matthieu 5 38 à 42 )

“ Vous avez appris qu’il a été dit: tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Et moi je vous dis: aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est aux cieux. Car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et les injustes. Car si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense allez-vous en avoir ? Et si vous saluez seulement vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens n’en font-ils pas autant ? Vous donc vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait.” ( Matthieu 5 43 à 48 )

Et la conclusion du sermon sur la montagne est radicale: “ Il ne suffit pas de dire “ Seigneur, Seigneur ! “ pour entrer dans le Royaume des cieux; il faut faire la volonté de mon Père qui est aux cieux .” ( Matthieu 7 21 )

Ainsi l’évangile du Royaume proche n’est pas seulement une information à savoir dans la tête. C’est en même temps l’appel et le commandement à vivre dés maintenant selon la loi de ce Règne. Or ^pour Jésus la loi du Royaume c’est l’amour, un amour que Jésus interdit de contourner, de limiter, d’édulcorer, car c’est l’amour même du Père. Jésus recompose la loi autour du principe de l’amour mais il durcit et radicalise le commandement: “ Moi je vous dis” ( Daniel Marguerat )

Chacun saisit aisément le caractère terriblement subversif de cet Évangile fondamental, fondateur du Royaume imminent qui vient. En effet, si l’amour de mon ennemi est le trait caractéristique de l’enfant de Dieu alors je ne peux plus tuer mon ennemi ni l’ennemi de mon peuple; je ne peux plus m’exercer à porter atteinte à sa vie, même si le groupe social ou la nation dont je suis m’en fait un devoir, même si on me prouve que le service armé de la patrie ou la légitime défense...

Qu’un tel message heurte de front les principes et les règles de toute société humaine et bouleverse toutes les données des relations humaines et des pouvoirs et des valeurs de ce monde, qui pourrait le nier ?

Que cet Évangile soit subversif au plus haut degré, comment ne pas le voir ? Comment dire “ oui “ à cela ? “ Jésus n’aiguise-t-il pas la loi de Dieu jusqu’a l’insupportable ? Est-il possible de cesser de juger ? Est-il raisonnable de renoncer à son droit de défense ? L’homme de Nazareth n’engage pas à discuter la praticabilité du commandement,il demande qu’on en reconnaisse la vérité. Avec lui, la vie croyante devient le champ de tension entre l’infini désir de Dieu et les résistances du réel” (Daniel Marguerat p 73-74 )

Mais c’est la proximité du Règne de Dieu qui prime en Jésus, sur toute autre autorité ou valeur. Et c’est l’amour de Jésus pour ce Règne qui le conduit à cet enseignement subversif d’un amour radical et quasi- impossible enseigné à tous ses disciples.

On comprend que très vite l’Eglise troublée par le “retard” de la Parousie et éprouvée par la persécution, n’ait pas pu maintenir l’obéissance au commandement originel et soit entrée dans la voie de la collaboration avec tous les pouvoirs qui enseignent à ne pas aimer l’ennemi !Tout état, toute nation ( chrétienne ou non ) se doit de défendre par la force contre tout ennemi qui menace les intérêts vitaux de la collectivité nationale. Toute puissance publique, en ce monde, a pour logique la logique qu’exprimait si clairement le grand -prêtre des juifs au sujet de Jésus:

“Il vaut mieux,” disait Caïphe”, qu’un seul homme meure pour le peuple et que la nation ne périsse pas toute entière.” ( Jean 11 )

Et ses collègues réunis en conseil délibéraient ainsi:

“ Que faisons-nous ? Cet homme ( Jésus ) opère beaucoup de signes . Si nous le laissons continuer ainsi, tous croiront en lui, les Romains interviendront et détruiront et notre saint lieu et notre nation.” ( Jean 11 47 à 51 )
Et une note de la T.O.B. explique: “ le fait est que Jésus provoque des troubles, il convient donc de l’éliminer pour assurer la tranquillité de l’ordre public”.

Or ce sont ces ennemis-là ( les chefs des Juifs, les chefs et les soldats romains...) que Jésus commandait d’aimer, détruisant ainsi toutes les barrières et frontières qui opposent avec violence les humains entre eux, et prenant le contre-pied des logiques politiques et des principes de gouvernement ( démocratiques ou non ! )

Non, le Royaume de Dieu ne peut pas coopérer avec “ César “ pour un partage des pouvoirs et des compétences. Car le Règne de Dieu, c’est le contraire du règne des hommes. Et la royauté du Seigneur d’Israël qui vient va renverser et supprimer les puissances et les dominations, y compris le “ prince de ce monde “ ( Jean 14 30 ), “ ces chefs de ce monde qui ont crucifié le Seigneur de gloire “ ( 1 Corinthiens 2 8 ) . Donc, dés à présent, la ligne de conduite que le Roi crucifié prescrit à ses disciples est ni plus ni moins l’amour des ennemis. Là est la force subversive qui renverse l’ordre établi et les valeurs fondamentales de la société, et .. nos idées sur la “ citoyenneté “ . Là se trouve donc la première ligne de réforme, de réveil et de renouveau de l’Eglise chrétienne qui se réclame de l’Evangile de Jésus, ( donc de chacun de nous aussi. )

“ Et moi, je vous dis, aimez vos ennemis ! “

6° : L’unité entre frères en Christ

Le deuxième domaine où l’Evangile de Jésus est bafoué par les chrétiens est l’unité ecclésiale,la communion fraternelle dans le corps du Christ. Si le Maître appelle ses disciples à aimer leurs ennemis eux-mêmes, à plus forte raison les appelle-t-il à s’aimer entre eux , à s’aimer les uns les autres, entre catholiques et protestants par exemple. Cette unité fraternelle visible et concrète, dans l’amour, est pour Jésus la marque caractéristique du Royaume de Dieu, le Père, notre Père. Jésus n’a pas eu pour projet de créer l’Eglise telle que nous la concevons, mais il a voulu rassembler dans l’amour les enfants du Royaume, la fraternité des fils du Royaume.

Et s’il est mort pour nous tous, c’est pour “ réunir en un seul corps les enfants de Dieu dispersés “ ( Jean 11 52 ) Et c’est, là encore, l’amour qui doit être la force de rapprochement, d’unité, de paix et d’harmonie en chaque localité de la terre habitée, à commencer par Jérusalem et les fils d’Israël.

Tous les évangiles et tous les enseignements des apôtres sont là pour nous ordonner et nous enseigner cette communion fraternelle de tous ceux qui “ invoquent le nom de Jésus “.

Pour eux, la création de dénominations chrétienne rivales et concurrentes et la constitution d’églises séparées les unes des autres et juxtaposées, partout et toujours, ne peuvent être que des “ hérésies “, des “ apostasies “ , “ des sectes “. Car cela revient à tourner le dos à la volonté expresse du Seigneur:

“ Je vous donne un commandement nouveau: Aimez-vous les uns les autres: comme je vous ai aimés vous devez vous aussi vous aimer les uns les autres. Si vous avez de l’amour les uns pour les autres, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples “.
( Jean 13 34 et 35 -15 1 à 17 - 17 21 à 23 )

Cet Evangile-là est subversif pour les églises locales, établies et instituées dans la division jugée normale. Et le plus grave c’est qu’on n’a même pas conscience de l’état de péché et de désobéissance que représente en permanence la fragmentation désastreuse de la fraternité chrétienne universelle en églises: églises-dénominations séparées les unes des autres et par conséquent, séparatrices des frères et soeurs qui sont, en chaque localité géographique, des membres du corps du Christ, l’unique Messie.

Pourtant ce qu’il pense et ce qu’il veut est clair. C’est sans doute le quatrième évangile qui l’exprime le plus clairement: lorsque le Seigneur y parle de l’unité de l’Eglise, il n’enploie pas le mot église , par exemple, l’allégorie du cep de vigne et des sarments:

“ La vraie vigne c’est moi...Je suis la vigne, vous êtes les branches...une branche ne peut donner de fruits toute seule, elle doit rester sur la vigne....Si quelqu’un reste attaché à moi comme je suis attaché a lui, il donne beaucoup de fruits....Je vous ai aimé comme le Père m’a aimé. Restez dans mon amour.... Vous resterez dans mon amour si vous obéissez a mes commandements: aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. Si quelqu’un donne sa vie pour ses amis, c’est la plus grande preuve d’amour.... ce que je vous commande c’est de vous aimer les uns les autres.” ( Jean 15 1 à 17 )

“ Les uns les autres “ c’est à dire entre sarments, entre branches de la vigne, entre disciples du Maître, entre amis de Jésus. Non pas entre protestants ou entre catholiques ou entre anglicans, mais entre fidèles du Seigneur ressuscité, entre tous. Quel jugement contre chaque église ! ! !En chaque lieu de vie, cette communion dans l’amour fraternel, cette communion visible de rencontre, de prière commune, de partage, d’entraide et de vie, jour après jour. Ce n’est pas un idéal ni un rêve mais c’est le grand commandement du Seigneur Jésus lui-même.

Se conformer à se commandement est au-dessus de nos forces et de nos bonnes volontés. Mais avec ce commandement Jésus fait une promesse: le don du Saint Esprit qui viendra sans cesse nous aider à aimer tous nos frères, par dessus toute barrière d’église, de confession, de tradition religieuse, ou de “ dissuasion “ par les dirigeants des églises établies.

Comment ne pas voir que l’évangile de Jésus est là encore, terriblement subversif ? Le refus des barrières ecclésiastiques et la résistance à la désunion instituée et établie depuis l’aube du christianisme, n’est-ce pas une contestation radicale des valeurs et des pouvoirs ecclésiastiques établis ?

De même que l’évangile de l’amour des ennemis est subversif pour tous les pouvoirs politiques de toute société humaine, de même l’Evangile de l’amour fraternel en Église unie est subversif à l’encontre de toute église dénominationnelle ( quelle que soit par ailleurs le degré de son ouverture oecuménique ! ) Résistance !

Sur ces deux fronts où l’amour selon Dieu nous est ordonné ( le front de notre relation aux humains des sociétés qui mobilisent notre service et notre coopération et le front de notre relation aux chrétiens auprès desquels Dieu nous place ) sur ces deux fronts de combat où le Maître nous a précédés, il nous faut courageusement lutter. Non pas par insurrection, mais par non-coopération à tout ce qui divise le corps du Christ. Lutter pour pratiquer la non-violence sociale et politique de l’Evangile de Jésus, lutter pour pratiquer l’unité ecclésiale dans sa plénitude; c’est à dire, dans les deux cas, pour pratiquer cet amour qui reflète l’amour du Père pour son fils et l’amour du fils pour tous les hommes. Double résistance spirituelle à apprendre ! Non point rêver de changer le monde ( la Parousie va le faire ) ni de changer les églises ( la Parousie va le faire ). Pas d’idéalisme !

Mais personnellement, individuellement, localement, par petits groupes de “ résistants “ conformes à Jésus, cesser chaque jour de pécher contre l’amour mais pratiquer l’Evangile de l’amour.

Tel est le “fruit “ porté par chaque sarment de la vigne. Tel est le fruit qui glorifiera Jésus et qui sanctifiera le Nom de notre Père qui est dans les cieux.

7° La double repentance à pratiquer

La proclamation de la bonne nouvelle du Royaume de Dieu qui arrive vite s’accompagne toujours de l’appel à la repentance, c’est à dire d’un changement radical de mentalité et d’un comportement nouveau conforme à l’Evangile.

C’est ainsi que Jean-baptiste, annonçant l’arrivée imminente du Royaume et du Messie, ajoutait: “ Retournez à Dieu et changez de conduite car le Royaume de Dieu est proche !” (Matthieu 3 2 )

De la même façon l’Evangile de Jésus comporte toujours et se conclue toujours par l’appel à la repentance: “ Le Royaume de Dieu est là proclame Jésus ! Repentez-vous ( changez votre façon d’être ) et croyez à la bonne nouvelle “ (Marc 1 15 )

Repentance et foi qui sont une mise en pratique effective de la parole du Maître, un engagement précis pour suivre Jésus ( et nullement une réconciliation avec l’église ! ). Que sera donc la repentance des chrétiens que nous sommes à partir de cet Évangile de Jésus mieux compris et mieux cru ? En quoi notre “religion chrétienne”, avec ses croyances et ses lignes de conduite, devront-ils être changés ou bouleversés ?

Pour nous mettre en conformité avec cet Évangile d’amour radical et absolu incarné par Jésus, notre repentance constante devra être double:

Double repentance à pratiquer: D’une part dans la sphère ecclésiale, je veux dire dans notre façon de vivre “ en église “ vivre en membres du corps du Christ dans notre localité d’abord au quotidien. D’autre part dans le domaine politique, social, professionnel, culturel, familial, et c. ( toutes nos relations avec nos semblables quels qu’ils soient ).

En ce qui concerne la vie entre chrétiens qui aiment et servent Jésus, notre repentance consistera à pratiquer, avec un nouveau style de vie et un nouvel état d’esprit, l’unité et la communion d’amour fraternel avec tous les frères et toutes les soeurs en Christ des diverses dénominations, grandes ou petites, dans notre ville ou notre village ou notre quartier.

Non pas “ faire de l’oecuménisme “ mais pratiquer l’unité telle que Jésus nous la commande et telle qu’il la demande pour nous tous à son Père . ( Jean 17 ). En somme, cesser de contribuer et de coopérer à tout ce qui divise et fragmente injustement l’Eglise,une et indivise du Seigneur Jésus. Et mettre nos frères séparés dans notre coeur et dans notre emploi du temps, pour les aimer en vérité. Et si pour tout cela, il nous faut contrarier les chefs et dirigeants de nos églises diverses et séparatrices, eh bien ! apprenons à déplaire aux hommes pour plaire à Dieu !

“ Il vaut mieux obéir à Dieu qu’aux hommes! “ répétaient les apôtres.

Quant au domaine politique et social de notre repentance nécessaire, là aussi c’est l’ordre d’aimer nos ennemis privés ou publics qui va nous transformer et nous mobiliser. Et là encore ce ne sera pas une petite affaire car le prix à payer sera très élevé, nous le savons. Participer au témoignage subversif de Jésus coûte très cher.

Car si notre adhésion à la ligne politique d’amour de l’ennemi nous conduit à refuser notre participation à tout ce qui prépare l’éventuelle destruction de l’ennemi, à tout ce qui vise à lui nuire et à l’éliminer, donc à résister à l’Etat et à dire “ non “ aux autorités civiles et... religieuses, à coup sur cela mène loin.

Les idées subversives qui nous empêchent de hurler avec les loups pour rester des “ brebis au milieu des loups “ et aimer très concrètement les ennemis, ces idées là ne peuvent que nous marginaliser radicalement et nous faire détester par tout le monde.

Mais le solide fondement demeure: “ Aimez vos ennemis ! “ parole du Seigneur !

Que dire de plus ? Mieux vaut maintenant laisser s’exprimer en toute liberté et unité fraternelle, nos réactions, nos protestations, nos refus, nos perplexités, nos peurs et interrogations, dans l’amour de Dieu manifesté en Jésus, notre Seigneur, notre Sauveur...et notre modèle.

Il y a deux pouvoirs dans le monde: le pouvoir de celui qui prend une tunique et le pouvoir de celui qui se laisse dépouiller; le pouvoir de celui qui a tout et le pouvoir de celui qui n’a rien; le pouvoir de celui qui porte des armes et le pouvoir de celui qui garde les bras ouverts.

Il y a deux pouvoirs dans le monde: le pouvoir de la force et la force d’aimer.

( Pasteur Henri Lindegaard )

lundi 17 février 2014

Yeshua ben Sirac

Algumas dicas do amigo Ben Sirac

“Palavras amáveis multiplicam os amigos, uma língua afável multiplica as palavras corteses. Sejam numerosos os que te saúdam, mas teus conselheiros, um entre mil! Se queres adquirir um amigo, adquire-o provando-o: não te apresses em confiar nele. Há quem seja amigo na hora que lhe convém, mas não permanece tal no dia da aflição. Há o amigo que se transforma em inimigo e revela as divergências, para tua desonra. Há o amigo, companheiro de mesa, que não permanece tal no dia da aflição. Na tua prosperidade será como tu mesmo, dando ordens com desenvoltura a teus servos. Mas se fores humilhado, estará contra ti e se ocultará da tua vista. Mantêm distância dos inimigos e usa de cautela com os amigos. Amigo fiel é refúgio seguro: quem o tem encontrou um tesouro. Amigo fiel não tem preço: é um bem inestimável. Amigo fiel é um elixir de longa vida: os que temem o Senhor o encontrarão.  Quem teme o Senhor dirige bem sua amizade: como ele é, tal será seu companheiro". Ben Sirac 6.5-17.

Yeshua, filho de Sirac, por isso chamado Ben Sirac, escreveu reflexões que entraram para a cultura judaica como peças da sabedoria judaica helenizada, escritas entre os anos 190 e 124 antes da Era Comum. Aqui ele fala sobre a amizade e espero que você, como os cristãos dos primeiros séculos, possa fazer bom proveito dessas reflexões. Jorge Pinheiro.


Os textos de Yeshua ben Sirac não fazem parte dos textos sagrados do judaísmo. Professor ligado aristocracia jovem de Jerusalém, fez viagens ao exterior em missões oficiosas, o que nos leva a crer que tenha ocupado cargo de importância junto ao Sinédrio, organismo de governo sob a responsabilidade do sacerdote maior. Por ter vivido em Jerusalém entre os anos 200 e 180 antes da Era Comum, viveu os tempos de transição da dominação complacente dos ptolomeus do Egito em direção à dominação sangrenta dos selêucidas da Síria. Trabalhou com o sacerdote-maior Simão (50.1-24), que ocupava tal função quando Jerusalém foi conquistada por Antíoco III em 198. Viveu a tragédia da deposição e assassinato de Onias III, filho de Simão, em 174, e a perseguição de Antíoco Epífanes (175-163) contra a cultura e religião judaicas. Assim, viveu sob dominções estrangeiras que oscilaram entre a complacência e o terror, e assistiu e possivelmente apoiou a insurreição liderada pelos Macabeus, em 167.

Por isso, ao contrário de estarmos diante de um livro apenas religioso a obra de Jesus ben Sirac traduz uma sabedoria destinada a consolidar a segurança do Estado, frente a inimigos externos e internos. Nesse sentido, despido da linguagem religiosa que possibilitou sua leitura sem censura e perseguições, estamos diante de textos que nos falam sobre os procedimentos do Estado na construção de sua segurança.

Tomemos por exemplo esse bloco de pensamentos e o leiamos como dirigido a elite dos dirigentes Macabeus e a aristocracia jovem que sobe ao poder com eles.

Palavras amáveis multiplicam os amigos, uma língua afável multiplica as palavras corteses. Sejam numerosos os que te saúdam, mas teus conselheiros, um entre mil! Se queres adquirir um amigo, adquire-o provando-o: não te apresses em confiar nele. Há quem seja amigo na hora que lhe convém, mas não permanece tal no dia da aflição. Há o amigo que se transforma em inimigo e revela as divergências, para tua desonra. Há o amigo, companheiro de mesa, que não permanece tal no dia da aflição. Na tua prosperidade será como tu mesmo, dando ordens com desenvoltura a teus servos. Mas se fores humilhado, estará contra ti e se ocultará da tua vista. Mantêm distância dos inimigos e usa de cautela com os amigos. Amigo fiel é refúgio seguro: quem o tem encontrou um tesouro. Amigo fiel não tem preço: é um bem inestimável. Amigo fiel é um elixir de longa vida: os que temem o Senhor o encontrarão.  Quem teme o Senhor dirige bem sua amizade: como ele é, tal será seu companheiro”. Ben Sirac 6.5-17.

O leitor apenas religioso, de ontem e de hoje, vê apenas um tratado sobre a amizade nas palavras de ben Sirac. Mas se levarmos em conta que as invasões de Alexandre levaram ao Oriente uma nova civilização, globalizada enquanto helenismo, era necessário pensar questões como choaue de culturas, religião e ecumenismo que pela força, diplomacia e comércio tendiam a abolir fronteiras e colocar em xeque o judaísmo.
                                                                                                                            
Ben Sirac, homem da inteligência judaica, acolhe aspectos importantes da cultura grega, como a filosofia estóica, mas sabe que a adoção não crítica do helenismo põe em risco a religião judaica (Sr 2.12-14) base da cultura palestina. E critica as concessões e entregas de membros do sacerdócio e da aristocracia, conforme denuncia o movimento dos Macabeus (cf. 1Mc 1-2).

Assim, ben Sirac trabalha com um paradoxo, a busca da liberdade e a presença do mal, traduzida na presença imperial. O ser humano foi criado livre (15.14), e o mal não se encontra na divindade, mas na ação humana (15.11-13). Aí está a fonte do mal (21.27; 25,24). Mas é possível enfrentar as forças da destruição (31.10).

Por isso, sua religião se aproxima de uma antropologia política, e aqui quero destacar alguns desses elementos. Faz uma apologia do nacionalismo judaico através do resgate da tradição dos antepassados (44.1-49,16). Opõe a Lei outorgada a Israel no Sinai (24.23), ou seja, a jurisprudência judaica, ao helenismo. E diante da nova racionalidade da filosofia grega reivindica a sabedoria judaica que fala do temor de Deus, enquanto aplicação da Torá escrita (1.26; 6.37). Dessa maneira, como professor e homem da inteligência chama ao estudo da Lei como tarefa para a sobrevivência nacional. E defende a fé tradicional: Deus é eterno e único (18.1; 36.4; 42.21); é o autor da criação (42.21.24), conhece todas as coisas (42.18-25).

E como homem da inteligência defende um futuro nacional, político, para a nação viável e soberano. Isso pode ser visto, em lingugem religiosa na oração que faz pela libertação e restauração de Israel (36,1-17), quando diz glorifica tua mão e teu braço direito. Excita o teu furor e derrama tua cólera. Suprime o adversário e aniquila o inimigo. Apressa o tempo, lembra-te do momento fixado e divulguem-se as tuas façanhas. Por um fogo vingador seja devorado o que sobreviver, e os que maltratam teu povo encontrem sua ruína. Esmaga as cabeças dos chefes inimigos que dizem: "Não há ninguém como nós!” 

Essa oração poderia ser eco do messianismo que começa a crescer no período macabeu, mas sua interpretação permanece discutida.

A atitude do Sirácida em face de uma crença na ressurreição, o seu amor do culto, sua veneração pelo sacerdócio sadoquita (cf. 51,12 no hebraico) e, por outro lado, a falta de referência explícita às idéias messiânicas que se desenvolverão nos meios fariseus fizeram-no relacionar-se com uma espécie de pré-saduceísmo. De fato, pode-se situá-lo na linha desse movimento conservador, nacionalista, ligado à Lei escrita. Mas seria um erro assimilá-lo pura e simplesmente aos saduceus que conhecemos pelos evangelhos e por Flávio Josefo: ele viveu antes da diferenciação do judaísmo em seitas caracterizadas.

Em relação às nações pagãs, Ben Sirac manifesta uma atitude já tipicamente judaica. Após certa abertura universalista nos profetas, as dificuldades do período pós-exílico levaram Israel a um particularismo pouco a pouco reforçado pela idéia da eleição bem como pelas exigências práticas da vida segundo a Lei: circuncisão, sábado, regras de pureza alimentar e ritual. A concepção helenista do homem cidadão do universo, então em voga, não arrefeceu a ufania do autor de pertencer à raça escolhida no meio da qual a própria Sabedoria estabeleceu sua residência privilegiada (24,7ss). 

Ele recomenda separar-se, principalmente dos ímpios (11,33; 12,14; 13,17), atitude dos essênios de Qumran, que dará aos fariseus essa designação característica: "os separados". O mundo aparece, pois, dividido em duas categorias, a dos bons e a dos maus ou, equivalentemente, a dos sábios e a dos insensatos (21,11-28). Contudo, há traços reveladores de uma sensibilidade nova no judaísmo, e certos desenvolvimentos sobre o perdão (27,30-28,7) encontrarão paralelos nos Evangelhos. Talvez mesmo a concepção do "semelhante" que é "carne" como cada ser humano (28,4-5) anuncie já a idéia de que todos os homens são irmãos. Aliás, a exegese judaica antiga compreendeu às vezes Lv 19,18 da seguinte maneira: "Amarás o teu próximo como a outro tu mesmo".


samedi 15 février 2014

A helenização da Palestina

O pensamento grego
Jorge Pinheiro, PhD

Os gregos demitologizaram o mundo antigo e o ensinaram a pensar racionalmente. Vulgarizaram a matemática, a lógica e até mesmo o pensamento teológico. Já nos primórdios, a sabedoria grega caracterizou-se pela busca de um princípio impessoal e universal. Para Tales (585 a.C.), esse princípio era a água. Para Anaximandro (570 a.C.), o indeterminado. Para Anaxímenes (550 a.C.), o ar. Pitágoras (500 a.C.) dizia que por um questionamento da inteligência, que está por trás do fluxo da natureza, se chegava a ele: ao número. Parmênides (516 a.C.) declarava que esse princípio era imutável; e Demócrito (460 a.C.), que eram átomos indivisíveis.

O século V a.C. viu surgir um grupo de professores (sofistas) que marcou profundamente a sociedade grega. Desses, o maior foi, sem dúvida, Sócrates (469-399 a.C.), por seu questionamento da sociedade e por sua preocupação em restaurar, contra os sofistas, o primado do bem como o mais alto tipo de autocompreensão humana.

A sabedoria grega pré-helenística culminou com Platão (427-347 a.C.), discípulo de Sócrates, e com Aristóteles (384-332 a.C.), discípulo de Platão.

Fundamentando-se em Pitágoras e em Sócrates, principalmente, Platão desenvolveu uma série de doutrinas: a teoria das idéias ou formas, padrões transcendentes, eternos, que são o objeto do verdadeiro conhecimento racional; a divisão tripartida da alma (passional, espiritual e racional), em que a racional é potencialmente imortal; e a representação de uma sociedade ideal, em que se obtém o equilíbrio harmonioso entre as várias classes, cada qual primando numa virtude diferente.

Mais empírico que Platão, Aristóteles organizou, num sistema metódico, o fundamental da matemática, lógica, física, biologia, política e arte. Definiu as características básicas do ser e da mudança, culminando na concepção de um motor imóvel e eterno, causa das causas, cuja contemplação é o bem final do homem: Deus.

Depois que Alexandre conquistou o Oriente Médio, a ciência, a matemática e a medicina tiveram um enorme desenvolvimento. Das escolas de sabedoria que emergiram no meio helenístico, os estóicos tiveram um papel de destaque. O estoicismo procurava moldar o caráter do homem por uma postura de virtude, visando alcançar uma tranqüila força mental e uma capacidade de superar as paixões. Propunha uma vida em conformidade com as leis da natureza. Monoteísmo panteísta, identificava Deus com a natureza material. Concebia o cosmos como uma incorporação viva da mente divina. Encarava as divindades do panteão grego como manifestações separadas de um logos (razão) divino, imanente nas leis da natureza e na mente do homem. Consideravam a Ilíada e a Odisséia como alegorias, sendo cada elemento a metáfora de uma verdade.

Outra escola que obteve forte desenvolvimento foi a dos epicuristas, que tinha como ênfase a superação da ansiedade e do medo da morte, do destino e da intervenção divina adversa. As antigas doutrinas de Pitágoras, com uma releitura esotérica dos números, também foram bastante difundidas durante o helenismo.

Uma das contribuições mais importantes do pensamento grego foi a busca da verdade. Essa postura filosófica fez deles os campeões da discussão crítica e do questionamento racionalista no mundo antigo. Ensinaram ao mundo a procura quase obsessiva de respostas para as perguntas fundamentais que todo ser humano se faz. No entanto, avaliavam a sabedoria a partir das respostas práticas que ela dava a esses questionamentos. Entendiam a filosofia como libertadora do espírito humano de velhas crenças e preconceitos, mas acabavam criando novas crenças e mitos, apesar do sucesso alcançado em vários aspectos do conhecimento.

Por terem uma postura puramente racional, ou seja, por acreditarem que a atividade intelectual, sem mediação de processos empíricos, pode compreender e explicar o Universo que nos cerca, viam o cosmos como uma realidade circular e fechada. Essa maneira de pensar, se por um lado foi um avanço para a história humana, por outro negava a revelação e a própria história como processo em permanente construção. Nesse sentido, chocava-se com o pensamento israelita, que entendia o sentido de História como dialética entre a vontade de Deus e a ação transformadora do homem. De forma inédita e exclusiva em todo o mundo antigo, o pensamento israelita, conforme exposto pela profecia clássica, entendia a História como construção e obra aberta.

Durante o período dos macabeus, o choque entre essas duas formas de pensar produziu uma síntese, expressa mais claramente na literatura do período, em especial na profecia apocalíptica.

Assim, cada vez mais os judeus e todos aqueles que mergulharam no estudo da sabedoria e cultura helenística viram-se em confronto com desafios intelectuais de caráter bem diferentes daqueles da mitologia de babilônicos, persas e demais povos do antigo Oriente Médio.

É importante notar que a propagação do helenismo, após Alexandre Magno, foi facilitada pela migração de milhares de gregos e macedônios para as áreas conquistadas.

A cultura grega floresceu desde a Itália e a Silícia até Báctria, na Ásia Central. A metrópole de Alexandria, no Egito, e as cidades helenísticas na Ásia Menor, nas costas do mar Egeu e além, aos poucos eclipsaram Atenas e os centros mais antigos da cultura grega clássica.

Os reis selêucidas, por exemplo, foram particularmente assíduos em encorajar o estabelecimento de novas cidades e a transformação de velhos centros urbanos em cidades com instituições típicas, como assembléias de cidadãos, magistrados eleitos, centros atléticos e educacionais (ginásios) e cultos cívicos que honravam deuses olímpicos e divindades locais. Essas cidades helenísticas eram forças-chave na propagação da língua, dos trajes, da cultura material e do modo de pensar dos gregos.

O grego substituiu o aramaico como língua internacional de comércio e diplomacia, e o estilo de vida helênico se impôs em grande parte da Palestina, afetando um importante segmento dos habitantes de Jerusalém.

Ver: Humanas 3 -- Períodos históricos, fessormauro.blogspot.com

Questões para reflexão e debate

Leia o capítulo 4 de 2Macabeus mas dê atenção especial aos versículos 7-14, reproduzidos a seguir.

7 Após a morte de Seleuco e tendo subido ao trono Antíoco Epífanes, Jasão, irmão de Onias, usurpou fraudulentamente o cargo de sumo sacerdote. 8 Numa entrevista com o rei, ele lhe prometeu trezentos e sessenta talentos de prata e oitenta talentos excedentes. 9 Prometia-lhe, além disso, pagar outros cento e cinqüenta talentos, se lhe fosse dado o poder de fundar um ginásio e uma efebia e de receber as inscrições dos antioquenos de Jerusalém. 10 O rei consentiu. Logo que subiu ao poder, Jasão arrastou seus concidadãos para o helenismo. 11 Apesar dos privilégios obtidos do poder real por João, o pai de Eupolemo, que foi enviado aos romanos para concluir um pacto de aliança e de amizade, ele introduziu ímpios costumes, desdenhando as leis nacionais. 12 Foi com alegria que fundou um ginásio ao pé da própria acrópole, alistou os mais nobres jovens e os educou ao pétaso. 13 Por causa da perversidade inaudita do ímpio Jasão, que não era de modo algum pontífice, obteve o helenismo tal êxito e os costumes pagãos uma atualidade tão crescente, 14 que os sacerdotes descuidavam o serviço do altar, menosprezavam o templo, negligenciavam os sacrifícios, corriam, fascinados pelo disco, a tomar parte na palestra e nos jogos proibidos.

Faça uma pesquisa, utilizando dentre outros textos o segundo livro de Macabeus, e apresente os prós e os contras da presença helênica na Palestina.

O texto aqui reproduzido de 2Macabeus fala da fundação de um ginásio olímpico, da participação de jovens nos jogos e de sacerdotes nas discussões filosóficas. O que significou para o judaísmo a transformação de Jerusalém em pólis helênica?

Que interesses comerciais e políticos estavam por trás da helenização da Judéia? 

Leituras complementares

Aranha, Maria Lúcia de Arruda & Martins, Maria Helena Pires. Filosofando: introdução à filosofia. São Paulo: Moderna, 2000.
Clements, R. E. (org.). O mundo do antigo Israel: perspectivas sociológicas, antropológicas e políticas. São Paulo: Paulus, 1995.
Finley, M. I. Los Griegos de la Antiguedad. Barcelona: Editorial Labor, 1970.
Marcondes, Danilo. Textos básicos de filosofia, dos pré-socráticos a Wittgenstein. Rio de Janeiro: Jorge Zahar Editor, 1999.




jeudi 13 février 2014

Talmud -- história, ética e teologia judaicas

Faculdade Teológica Batista de São Paulo
Curso de Teologia. Graduação 2014.
Estudos Interreligiosos. Terceiro Ano.
Prof. Jorge Pinheiro
Cosmovisões > Judaísmo


O TALMUD
História, Ética e Teologia

JORGE PINHEIRO, PhD



Entre os anos que vão da destruição do beit sheni (segundo templo) até a derrota da revolta de bar Cochba (70 a 135), Israel vive um momento muito especial em sua história, que recebe o nome de “período de Yavne”. Esse período caracterizou-se por novas tentativas de reconquistar a independência por meios militares e pela formação de um novo sistema de governo, que permitiu aos judeus sobreviverem sem um Estado.

Um homem, o rabino Yochanan ben Zakai, inicia a reconstrução da vida judaica, não mais em Jerusalém, mas em Yavne. Restabelece as funções do sanhedrin (sinédrio), fixa os meses e os anos bissextos, possibilitando a manutenção das festas judaicas mesmo sem templo. Yavne transforma-se assim num centro da cultura nacional judaica e de sua espiritualidade.

Anos mais tarde, o rabino Gamaliel, filho de um dos líderes da revolta contra Roma, é reconhecido como líder da nação e substitui ben Zakai, tornando-se chefe do sinédrio de Yavne. Tem início uma política de unificação das diferentes seitas judaicas: sacerdotes saem de Yavne em direção aos pontos mais distantes do galut (diáspora), com a finalidade uniformizar doutrinariamente o povo judeu. O contato com os cristãos é proibido e tem início de ambas as partes uma separação histórica entre cristianismo e judaísmo.

Na Academia de Yavne são estabelecidas as características das festas judaicas, agora sem sacrifícios e peregrinações anuais. É realizada uma nova tradução do Tanach para o grego, já que a Septuaginta, muito usada pelos cristãos, não incorporava a visão dos rabinos de Yavne.

Outro nome que se destacará em Yavne é do rabino Akiva ben Yossef. Viaja por quase toda a diáspora,  da Gália, no Ocidente, à Babilônia, no Oriente. Prega a Tanach e transforma-se em um de seus mais importantes intérpretes. Após o fracasso da revolta de bar Cochba, é preso e condenado à morte.

Vencida a última resistência judaica, o imperador romano Adriano toma uma série de medidas que lembram em muito as leis de Antíoco IV Epifanes: proíbe o estudo do Tanach, a prática da circuncisão e a ordenação de novos rabinos. Derrotados e perseguidos, a grande maioria dos judeus deixa a Judéia e refugia-se no Galil (Galiléia), primeiro em Usha e posteriormente nas cidades de Tzipori e Tveria. No Galil será estabelecido o centro da cultura judaica nos séculos II, III e IV.

Nessa época, duas instituições, que já existiam, passam a definir a vida política e religiosa judaica, a nessiut e o sanhedrin. A nessiut era a presidência, e seu ocupante recebia o título de nassi, o patriarca e era o líder máximo do povo judeu. Com pequenas exceções, o cargo de nassi foi ocupado pelos descendentes do rabino Hilel, o sábio, que descendiam, segundo a tradição, da linhagem do rei Davi. O nassi era eleito pelo sanhedrin e o cargo era vitalício. Ao nassi cabia nomear os dirigentes das comunidades do galut e recolher contribuições para a manutenção do governo judaico. Como desde o século I, a lei escolar de Shimon ben Shetach definia a gratuidade e obrigatoriedade da instrução primária para todos os meninos judeus, o nassi era responsável por garantir que em cada cidade houvesse ao menos uma escola. O patriarca também representava o povo junto ao império romano. O cargo de nassi só vai ser extinto em 427.

Enquanto o nassi fazia as vezes de rei, o sanhedrin fazia as vezes de parlamento, combinando os poderes legislativo e judiciário. Nos dois séculos posteriores à derrota de bar Cochba, o sanhedrin reunia os rabinos e principais eruditos da época. Os saduceus, que representavam a aristocracia e a classe alta, já haviam desaparecido da vida judaica. A orientação rabínica tinha o peso hegemônico dos fariseus. Assim, a atividade principal do sanhedrin consistia em discutir as leis da Torah e intepretá-las e adaptá-las à nova realidade. Nesse sentido, o sanhedrin passou a ser um beit midrash, uma casa de estudo. Os rabinos realizavam discussões e debates e seus discípulos acompanhavam com interesse a seqüência das argumentações. Mas nada era anotado. Tudo era guardado de memória. Os rabinos mantinham, também, cursos sobre assuntos de interesse cotidiano, de forma que as salas do sanhedrim estavam sempre cheias de estudantes, futuros rabinos do povo judeu.

Além de funcionar como beit midrash, o sanhedrin era também beit din elion, o supremo tribunal.

E assim, no correr desses anos, vai-se formando um novo corpo de leis, derivadas da Torah, que não se encontram nela, mas que tinham como finalidade dar respostas à nova realidade que surge com o fim na nação judaica geograficamente estabelecida. Como a Torah é sagrada, nada é agregado a ela para evitar que pudesse de alguma forma lhe fazer sombra. Por isso, a nova legislação não é escrita em lugar nenhum.

Com o passar dos anos, esse corpo de leis torna-se tão vasto e as condições da diáspora culturalmente tão complexas, que se tornou necessário escrever o material acumulado até aquele momento. O primeiro texto foi preparado ainda no período de Yavne. Os rabinos Akiva e Meir também redigiram várias leis orais. Temos assim, a mishná (repetição) do rabi Akiva e de outros.

Mas será no final do século II, sob a presidência do nassi rabi Yehudá, da linhagem de Hilel, que foi editada de forma ordenada a primeira Mishná, com a aceitação plena do sanhedrin. Ela incorporou trechos das mishnaiot anteriores.

A Ética dos Pais

A Mishná contém seis partes chamadas shishá sedarim. Cada seder inclui diversas massechtot (tratados) e cada tratado se divide em prakim (capítulos) e perek (parágrafos). Foi redigida em hebraico e contém, ao todo, 63 tratados e 528 capítulos. Os seis livros que formam a Mishná são: Zeraim (sementes), que trata da agricultura e das orações; Moed (festividades), sobre as leis do shabat e dos chaguim; Nashim (mulheres), contém as leis referentes ao casamento, ao divórcio, ao adultério, etc.; Nezikin (prejuízos), sobre a lei civil, criminal, contratos, fraudes, castigos, etc; Kodashim (coisas sagradas), trata da ordem no culto do beit hamikdash e da kasrhrut; Toharot (purificação) sobre o cerimonial da purificação, banho ritual (mikvá), etc.

No tratado Pirkei Avot - Ética dos Pais, por exemplo, temos ensinamentos morais que tratam de boa conduta, estudo, justiça e retidão, sintetizando séculos de cultura judaica:

“Qual o justo caminho que um homem deve escolher para si? Aquele que é uma honra para ele que o pratica e uma honra para ele de parte dos homens. Se tão cuidadoso de um preceito leve quanto de um grave, pois não sabes qual a recompensa dada aos preceitos. Considera a perda de um preceito segundo a sua recompensa e o ganho de uma transgressão de acordo com sua perda. Observa três coisas e não cairás em poder do pecado: sabe que está acima de ti um olho que vê, um ouvido que ouve e que todos os teus feitos estão escritos num livro.” (Rabi Yehudá ha Nassi).

“Bom é o estudo da Torah junto com a ocupação no mundo, pois o labor em ambos faz esquecer o pecado e todo estudo da Torah desacompanhado do trabalho resulta em nada e acarreta o pecado. E todos os que se ocupam do trabalho comunitário se ocupem dele por amor do Nome dos céus, pois o mérito dos seus pais os sustenta e sua justiça permanece para sempre. ‘E quanto a vós, disse Deus, vos darei grande recompensa, como se vós mesmos os tivésseis realizado’.” (Rabi Gamaliel, filho de Yehudá ha Nassi).[1]

Após terminarem seus estudos primários, os meninos que desejavam prosseguir seus estudos eram encaminhados para o Sanhedrin. Lá estudavam a Mishná do rabi Yehudá e as compilações de histórias e tradições que formaram o Midrash, a Tossefta e a Baraíta. Os professores, conhecidos como amoraítas, expositores, conforme ensinavam acrescentavam novas interpretações aos textos dos tanaítas, rabinos cujas discussões estão registradas na Mishná. As conclusões dos amoraítas foram consideradas um complemento, Guemará, da Mishná do rabino Yehuda. Temos, então, a partir da união desses tratados, o Talmud da Palestina ou Talmud Yerushalmi.

Derivado de dml (ser instruído), Talmud traduz a idéia de aprendizado ou ensino. Seu ponto de partida, como vimos é a lei oral, que segundo a própria tradição rabínica repousa em Moisés, que teria recebido de Deus duas leis, a escrita e a oral[2]. Ambas se complementam, mas apenas os judeus têm a segunda[3].

No século IV, novos conflitos entre judeus e romanos levam a destruição das cidades de Tzipori, Lud e Tveria. Milhares de judeus são mortos ou vendidos como escravos. Choques políticos e administrativos entre o Sanhedrin e o patriarca e as difíceis condições econômicas levam o centro de Eretz Israel a sucumbir definitvamente. Há uma maciça emigração de religiosos e amoraítas para a Babilônia.

O último patriarca importante será Hilel II, que é também conhecido por ter realizado os cálculos do calendário judaico, utilizado até os dias de hoje.

Na Babilônia, os emigrantes palestinos juntaram-se à comunidade judaica, que desde os tempos das deportações realizadas por assírios e babilônicos, manteve-se nas cidades de Nehardea, Mahoza, Pumbedita e Sura. É interessante notar, que nessas cidades havia uma rede de ensino primário judaico de alto nível, que o melhor do pensamento palestino tinha migrado para elas e que os reis sassânidas, então no auge de seu poder, aceitavam muito bem a presença judaica na Babilônia.

Rav Ashi, líder da academia de Sura, inicia a compilação do material religioso existente, organiza sua exposição e distribui o material conforme os critérios definidos. Anos mais tarde, quando os sacerdotes zoroastristas iniciam uma dura perseguição religiosa aos judeus, Ravina, o último dos amoraítas babilônicos e chefe da academia de Sura, dá seqüência ao trabalho de Rav Ashi. Surge, então, uma obra monumental, o Talmud babilônico.

Temos então dois talmudim, o Talmud Yerushalmi e o Talmud Bavli.

Assim, os sábios cujas discussões estão registradas na Mishná viveram em Eretz Israel na época dos fariseus, entre os anos 100 a.C. e 200 d.C. Após a finalização da Mishná, outros mestres realizaram novos comentários e readaptações da Mishná, dando origem a um complemento, a Guemará. Este segundo trabalho foi realizado simultaneamente em Israel (entre os anos 200 d.C. e 350 d.C.) e na Babilônia (entre os anos 200 d.C. e 500 d.C.). No entanto, a Guemará babilônica é considerada mais importante.

A Teologia do Talmud

Essa obra traduz setecentos anos de trabalho, cita estudos e conclusões de mais de mil rabinos, mas tem por base apenas três fundamentos:

1. Existe apenas um Deus verdadeiro, justo e bom.
2. A Torah, dada por Ele, contém toda a verdade e a justiça.
3. O homem deve fazer o possível para ser verdadeiro, justo e bom. E a melhor maneira de chegar a essas metas é investigar e cumprir a Torah.

Dessa maneira, o Talmud foi um guia para o povo judeu nos terríveis anos do galut e nas perseguições da Idade Média. A lei em seu sentido estrito, mais conhecida como halachá, manteve a coesão do povo. E tudo aquilo que não é lei, ou seja, as histórias, lendas, fábulas, contos, biografias, provérbios, receitas, matemática, astronomia e medicina, a agadá, serviu como fonte inesgotável de inspiração para a cultura e folclore judaicos. Em parte essa tradição de estudo deu ao povo judeu um alto nível cultural, que manteve mesmo nos momentos mais sombrios da história humana.

Os rabinos costumam dizer que para se nadar no mar do Talmud e não se afogar, é necessário saber nadar muito bem, ou seja, conhecer profundamente a Torah. O Talmud é uma imensa enciclopédia onde todos os assuntos se encontram misturados.

O pensamento judaico é oriental, totalmente diferente do pensamento grego. O judeu começa a falar de um assunto, discorre sobre diversos outros, responde a perguntas que não têm nada a ver com o tema central, e no final da conversa volta ao assunto inicial. Isso leva a teologia ocidental, acostumada à lógica aristotélica, a evitar navegar mais profundamente nas águas do Talmud. Além disso, para o leitor comum, o Talmud apresenta outra dificuldade, está escrito em três idiomas: hebraico bíblico nas citações do Tanach, hebraico da Mishná na Mishná e aramaico na Guemará. Para levar o judeu da alta Idade Média a mergulhar com mais confiança no Talmud, o exegeta Rashi (rabino Shlomo Itzhaki), ao redor do ano 1.100, na França, elaborou uma série de comentários que ainda hoje são de grande ajuda para os estudiosos modernos.

Assim, podemos definir a teologia do Talmud através do seguinte conceito: o conhecimento da idéia de Deus entre os judeus viveu uma revelação crescente. Mas na época do beit sheni o conceito de Deus era bem semelhante ao de hoje: um ser infinitamente poderoso, bom, criador dos céus e da terra, e juiz supremo dos homens. No entanto, nenhum homem pode ser julgado pelas suas ações, se dois fatores não foram levados em conta: a liberdade de escolha e a existência de uma lei que diga o que é certo e o que é errado. Para os rabinos do Talmud não adianta a pura vontade de escolher o bem. Por isso, a Torah é um presente de Deus, permitindo ao homem transformar sua boa vontade em práxis.

Acontece que a Torah, afirmam os talmudistas, apesar de sua transcendência e revelação, está histórica e culturalmente situada no momento em que foi escrita. É preciso um midrash (hermenêutica) para que seus ensinamentos e sua ética possam ser compreendidas e utilizadas pelo judeu de outras atualidades. Vejamos, agora, um exemplo da teologia do Talmud, em dois trechos de um midrash do texto de Ex 20:2.

Eu sou o Senhor teu Deus. Por que os Dez Mandamentos não foram ditos no começo da Torah? Eles fornecem uma parábola. A que isso pode ser comparado? Ao seguinte: Um rei que entrou em uma província disse ao povo: Posso ser vosso rei? Mas o povo lhe disse: Fizeste algo bom para nós para que nos governeis? Que ele fez então? Construiu-lhes a muralha da cidade, introduziu o abastecimento de água para eles, e lutou suas batalhas. Então quando ele lhes disse: Posso ser vosso rei? Eles lhe disseram: Sim, sim. Da mesma maneira, Deus. Ele trouxe os israelitas para fora do Egito, dividiu o mar para eles, fez descer o maná para eles, fez subir um poço para eles, trouxe codornas para eles. Lutou por eles a batalha com Amaleque. Então Ele lhes disse: Eu serei vosso rei. E eles Lhe disseram: Sim, sim. Rabi disse: Isto proclama a excelência de Israel. Pois, quando todos eles estavam diante do Monte Sinai para receber a Torah, todos se decidiram igualmente a aceitar o reinado de Deus alegremente. Além disso, foram garantia um para o outro. E não foi somente no que diz respeito a atos públicos de Deus, revelando-Se-lhes, desejou fazer Seu pacto com eles, mas também no que diz respeito a atos secretos, como está dito: As coisas encobertas são para o Senhor nosso Deus e as reveladas...” (Dt 29:28). Mas eles Lhe disseram: No que se refere a atos públicos, estamos prontos a fazer um pacto contigo, mas não faremos um pacto contigo com referência atos secretos, para que nenhum de nós cometa um pecado secretamente e a comunidade inteira seja considerada responsável por ele”.
(...)
“Outra interpretação: Eu sou o Senhor teu Deus. Quando o Santíssimo, louvado seja, levantou-se e disse: Eu sou o Senhor teu Deus, a terra tremeu, como está dito: “Ó Senhor, saindo Tu de Seir, caminhando Tu desde o campo de Edom, a terra estremeceu” (Jz 5:4). E continuou a dizer: “Os montes vacilaram diante do Senhor” (v.5). E também diz: “A voz do Senhor é poderosa. A voz do Senhor é cheia de majestade” (Sl 29:4) até “E no seu Templo cada um diz: Glória!” (v. 9). E até suas casas estavam plenas do esplendor da Shekiná. Naquele tempo todos os reis das nações do mundo se reuniram e vieram a Balaam, filho de Beor. Eles lhe disseram: talvez Deus esteja para destruir Seu mundo com um dilúvio. Ele lhes disse: Sois uns tolos! Há muito tempo Deus jurou a Noé que não mais traria um dilúvio sobre o mundo, como está dito: Porque isto será para mim como as águas de Noé, pois jurei que as águas de Noé não inundariam mais a terra”(Is 54:9). Então eles lhe disseram: Talvez Ele não traga um dilúvio de água, mas Ele pode trazer um dilúvio de fogo. Porém ele lhes: Ele não vem trazer um dilúvio de água nem um dilúvio de fogo. Simplesmente o Santíssimo, louvado seja, vem dar a Torá ao Seu povo. Pois está dito: “O Senhor dará força ao Seu povo...” (Sl 29:11). Logo que ouviram isto dele, todos voltaram as costas e cada um foi para o seu lugar. E assim todas as nações do mundo foram convidadas a aceitar a Torah, a fim de que não tivessem escusa para dizer: Se nos houvessem convidado, teríamos aceitado. Pois, veja, elas foram convidadas e se recusaram a aceitar a Torah. (...)”.[4]

Bibliografia Mínima Recomendada

Guinsburg, J., Do Estudo e da Oração, São Paulo, Editora Perspectiva, 1968.
Gundry, Robert H., Panorama do Novo Testamento, São Paulo, Edições Vida Nova, 1991.
Berezin, Rifka, Caminhos do Povo Judeu, vol II, São Paulo, Fed. Israelita do Est. de SP, 1988.
Scholem, Gershom, A Mística Judaica, São Paulo, Editora Perspectiva, 1972.




[1] Pirkei Avot (A Ética dos Pais), Capítulo II in J. Guinsburg, Do Estudo e da Oração, São Paulo, Editora Perspectiva, pp. 170.
[2] “Moisés recebeu a Torah do Sinai e transmitiu-a a Josué e Josué aos anciãos e os anciãos aos profetas e os profetas transmitiram-na aos homens da Grande Sinagoga. Esses disseram três coisas: ‘Sede ponderados nos vossos julgamentos, formai muitos discípulos e levantai uma cerca em volta da Torah”. Pirkei Avot (A Ética dos Pais), Capítulo Primeiro in J. Guinsburg, Do Estudo e da Oração, São Paulo, Editora Perspectiva, p. 168.
[3] “Asseverando que as leis orais remontavam ao tempo de Moisés, no Monte Sinai, os rabinos elevaram suas contraditórias interpretações do Antigo Testamento a uma posição de maior importância que o próprio Antigo Testamento”. Robert H. Gundry, Panorama do Novo Testamento, São Paulo, Edições Vida Nova, 1991, pp. 52.
[4] Mekhilta, cap. 5, “O Senhor Teu Deus, in J. Guinsburg, Do Estudo e da Oração, São Paulo, Editora Perspectiva, pp. 194-196.

mercredi 12 février 2014

Politique et religion

Article de Jorge Pinheiro publié à la dernier édition (Band 14) de Tillich-Studien du Deutschen Paul-Tillich-Gesellschaft, LIT Verlag Munster 2005, Berlin, Hamburg, Londres, Vienne: « Éthique sociale et socialisme religieux, Actes du XVe Colloque International Paul Tillich », Toulouse 2003, édité par Marc Boss, Doris Lax et Jean Richard, avec la collaboration de Mireille Hébert, où à partir du socialisme religieux qu´était proposé par le théologien germano-américaine Paul Tillich présente bilan et perspectives du Parti des Travailleurs brésilien.

Politique et religion
Un éclairage tillichien sur le socialisme brésilien


Dans la pensée de Paul Tillich, religion et politique ne sont pas deux réalités séparées. Les racines de la pensée politique ne sont pas de simples idées. La pensée politique est l'expression d'une existence politique, d'une situation sociale. On ne peut pas comprendre la pensée quand on sous-estime les réalités sociales dans lesquelles elle surgit.1 Par ailleurs, les racines de la pensée politique ne peuvent agir à force égale à tout moment et dans chaque groupe. L´une ou l´autre peut prédominer. Cela dépend de groupes ou de formes de domination déterminés, des structures socio-psychologiques et de l'interaction avec la situation sociale objective.2

Aussi voudrais-je, en tant que socialiste et théologien brésilen, m’interroger sur la portée transculturelle du socialisme religieux de Tillich. Permet-il d’eclairer l’action humaine et sociale dans un pays comme le Brésil? Peut-il par exemple fournir des éléments pour une analyse du rapport religion-politique au « Partido dos Trabalhadores », le Parti des Travailleurs brésilen? À ces question, qui figurent au centre de la thèse que je dirige actuellement sous la direction du professeur Etienne Higuet, je ne pourrai répondre ici qui de manière fragmentaire et, pour ainsi dire, programmatique. La première partie de mon étude présente la réflexion de Tillich sur les racines du socialisme ; la deuxième partie retrace brièvemente le processus de fondation du Parti des Traivailleurs au Brésil ; la troisième esquisse, à partir de la question du mythe de l’origine, une lecture tillichienne de la situation actuelle du socialisme brésilien.

1. Tillich et les racines du socialisme

Dans son ouvrage La Décision Socialiste3, Tillich développe une phénoménologie qui ramène à la surface des éléments non réfléxifs de la pensée politique, avec des sujets comme l'être et l'origine mythique des discours du pouvoir. Les méditations du philosophe Ernst Bloch sur la notion d’utopie et sa critique des implications politiques de la psychanalyse se situent en arrière-fond de ces réflexions de Tillich. Rappelons que Bloch présente la psychanalyse comme un retour à l'origine, dont le résultat serait la conformité aux normes sociales. De ce fait, le mythe ne serait pas transformateur. Seule l'utopie, comme « rêve éveillé », posséderait un caractère progressiste et pourrait se présenter comme révolutionnaire.

“L’esprit de l’utopie (une expression d’Ernst Bloch) est la force qui transforme la réalité. Il est le ressort de tous les grands mouvements de l’histoire: il est la tension qui tire l’homme de sa tranquillité et de ses certitudes, et le plonge dans de nouvelles incertitudes, dans une inquiétude nouvelle. L’utopie est la force du nouveau.”4

Bien qu’il renvoie à Bloch à propos de l'utopie, Tillich n'est pas aussi radical que lui. Partant du mythe, Tillich perçoit la nécessité de le rompre, tout en le traversant, pour enfin le récupérer. En ce sens, les symboles doivent être percés ou rompus, afin qu'on puisse savoir ce qu'ils évoquent. Et c'est ce qui doit se passer avec le mythe de l'origine : il ne peut pas être abandonné, mais il doit être brisé.

La philosophie politique conduit ici à une anthropologie existentielle traversée par la religion. Cette dernière est la dimension de la profondeur, le spectre de la profondeur dans la totalité de l'esprit humain. La méthaphore de la profondeur renvoie à ce qui, dans la vie humainaine, est l’ultime, l’infini et l’inconditionnel. Au sens large et fondamental du terme, la religion est la préoccupation ultime [ultimate concern]. Cette préoccupation se manifeste absolument dans toutes les fonctions créatives de l'esprit humain. Et la religion constitue la substance, le fondement et la profondeur de la vie culturelle des être humain.5

Cependant, comme l’affirme Tillich dans La Décision socialiste, quand on soulève la question des racines de la pensée socialiste, il faut prendre la mesure de son ambivalence fondamentale. Le socialisme est en effet un mouvement d'opposition6 bilatéral: d’une part, il est un mouvement d'opposition contre la société bourgeoise, mais d’autre part, en tant que médiateur il se joint à la société bourgeoise contre les formes féodales et patriarcales de société.

L'origine suscite l’emergence de quelque chose qui n’existait pas auparavant, qui produit une conscience propre, différente de l’origine. La réalité que nous sommes est absolument contingente, mais c'est aussi quelque chose qui nous est propre. C'est une tension entre l´être-jeté (Verworfensein) et l´être-en-propre.

Pour Tillich, l'origine ne nous abandonne pas. On ne peut pas dire qu'elle était et qu´elle n´est plus. Nous sommes constamment attirés par l'origine: celle-ci nous fait émerger et nous ramène à elle. De sort que l´être-jeté dans le monde suppose le cheminement vers la mort.

Selon Tillich, une attitude conservatrice admet l'apparition de l'éternel dans le temps. Mais pour cette raison, elle nie tout changement, présent ou futur7. La force de cette attitude vient de ce qu´elle considère l'éternel comme une réalité donnée et non pas comme résultat de l'action culturelle et religieuse de l'être humain. L’attitude conservatrice reconnaît aussi le kairos, mais elle le situe dans le passé.

“On y dit de Jesus que son kairos n’etait pas encore venu: et puis qu’à un moment ou l’autre il est venu en kairos, à l’instant où les temps étaient dans leur plénitude. C’est seulement pour la réflexion abstraite, objective, que le temps est une forme vide, pouvant recevoir n’importe quel contenu. Mais pour celui qui vit et a conscience de ce qu’est un évenement créateur, le temps est chargé de tensions, de possibilités et d’impossibilités; il est qualitatif et riche de contenu; tout n’est pas possible en tout temps, tout n’est pas vrai en tout temps, tout n’est pas exigé à tout moment. (...) C’est dans cette vive et très profonde conscience de l’histoire que s’enracine l’idée du kairos; et c’est à partir de là qu’elle doit être élaborée en concept d’une philosophie de l‘histoire consciente. » 8

L’attitude conservatrice ne considère pas le fait que si le Christ est apparu dans le passé comme événement unique, c’est aussi lui qui se révèle dans chaque « oui » et chaque « non » du passé, du présent et du futur. C’est sur une telle vision que repose la pensée politique conservatrice. En elle, le sens supratemporel du kairos est perdu.9

Le mythe exprime richement cet état de choses, par le témoignage des événements dans lesquels le groupe humain perçoit son origine. Dans tous les mythes résonne la loi cyclique de la naissance et de la mort. Tout mythe est mythe de l'origine; il répond à la question de la providence et montre porquoi nous sommes attachés à l'origine et restons sous son emprise. La conscience mythique originelle est la racine de toute pensée politique conservatrice et romantique.

Mais l'être humain va au-delà de sa position de réalité donnée, il va au-delà du sa situation devant le cycle de la naissance et de la mort. Il fait l'expérience d'une exigence qui le sépare de l'immédiat de la vie et qui l’amène à se situer devant la providence avec la question du "pourquoi?" Cette question, qui rompt le cycle de manière fondamentale, élève l'être humain au-dessus de la sphère du simple vivre. Le "pourquoi" exprime l’exigence de quelque chose qui n'est pas là, qui doit pourtant se faire réalité. Il va au-delà de l´affirmation de ce qui est déjà. L´exigence nomme ce qui doit être.

Telle est la liberté de l'être humain: en tant qu’être humain, il n´est pas emprisoné dans ce qui est donné. Le cycle de la naissance et de la mort a été brisé. L’existence et l’action humaines ne sont pas enchaînées par le simple développement de l’origine. Quand cette conscience s’impose, les liens de l'origine sont défaits, le mythe originel est cassé. Cette rupture du mythe originel par l’exigence inconditionné est la racine de la pensée politique libérale, démocratique et socialiste.

Quand à l’attitude progressiste, elle considère l'éternel comme une cible toujours située dans l’infini, sans faire irruption. Ainsi, les temps deviennent vides, sans décision, sans responsabilité. Dans l’attitude progressiste, il y a une tension face à ce qui fut. Mais la conscience du fait que la cible est inaccessible l’affaiblit et suscite un compromis continuel avec le passé10. La conception progressiste n'offre aucune option à ce qui est donné. Elle se tranforme en un progrès mitigé, en critique ponctuelle dépourvue de tension et de responsabilité ultime.

Le danger inhérent à ce progressisme mitigé, que Tillich décrit comme l’attitude de la société bourgeoise, c'est la suppression du « non » et du « oui » inconditionnés, la suppression de l'annonce de la plénitude des temps. Ce progressisme mitigé est le véritable adversaire de l'esprit prophétique11. Mais, sans l'utopie, il n’y a pas de protestation, ni d’esprit prophétique.12

“Cela est exact dans la mesure où chaque tension orientée vers l’avant comporte une représentation de ce qui doit venir et de ce que l’on entend comme réalisation de l’idéal. La considération des limites objectives inhérentes à toute chose à venir reste sans effet pour l’agir lui-même et ne doit pas l’ influencer. Voilá pourquoi l’esprit de l’utopie est présent dans tout agir inconditionnellement décidé, dans tout agir orienté vers la transformation du présent”.13

L'utopie veut réaliser l'éternité dans le temps, mais elle oublie que l'éternel ébranle le temps et tout son contenu. C'est pour cela que l'utopie conduit nécessairement à la déception. Le progrès mitigé est le résultat de l'utopie révolutionnaire désillusionnée.

L'idée du kairos naît de la discussion avec l'utopie. Le kairos comporte l'irruption de l'éternité dans le temps, le caractère absolument décisif de cet instant historique en tant que destin; mais la conscience du kairos sait qu’un état d'éternité ne peut pas exister dans le temps, que l'éternel est, dans son essence, ce qui fait irruption dans le temps sans cependant s’y fixer. Ainsi, la réalisation de la vision prophétique se trouve au-delà du temps, là où disparaît l'utopie , mais non pas l’agir.14

Selon Tillich, tout changement, toute transformation exige une compréhension du moment vécu, celui qui va au-delà du moment simplement historique, de l’hic et nunc. Une telle compréhension doit se projeter dans le futur, doit saisir qu’il y a dans l'esprit prophétique de la responsabilité un choc entre ce kairós15 et l'utopie, qui pense fixer l'éternité dans le temps présent. Un tel défi ne peut être résolu par l’être humain seul, même quand il personnifie l'esprit de la prophétie. Le sujet de la transformation sera, en dernière instance, la masse.

Pour Tillich, ces deux racines de la pensée politique maintiennent entre elles une relation qui est plus qu’une simple juxtaposition. Personne ne peut comprendre le socialisme sans expérimenter l’exigence de sa justice comme une demande de l'inconditionné. Qui ne s'est pas confronté au socialisme ne peut pas en parler, sinon comme l'expression de ce qui vient du dehors.16 On ne peut parler vraiment de socialisme que parce qu’il s’oppose aux tendences politiques en cours.

Mais tout système politique requiert l’autorité, pas seulement dans le sens de posséder des instruments de force, mais aussi en termes de consentement tacite ou manifeste des personnes. Un tel consentement est possible seulement si le groupe au pouvoir représente une idée puissante qui ait du sens pour tous.

“Le socialisme que nous voulons est donc celui qui pose en théorie et en pratique la question de la possibilité que la vie ait un sens pour tous les individus et tous les groupes de la société, et qui s’efforce de répondre à cette question au plan de la réalité et de la pensée. Un tel socialisme est plus qu’un simple mouvement politique, et même plus qu’un simple mouvement prolétarien. C’est un mouvement qui cherche à appréhender chaque aspect de la vie et chaque groupe de la societé.”17

Il existe, par conséquent, dans la sphère politique un rapport entre l'autorité et l'autonomie18. C´est pour cela que socialisme et religion, pour Tillich, sont entrelacés et nécessitent un correctif, celui de la démocratie.

2. Les socialismes du Parti des Travailleurs

Pendant la première campagne du Parti des Travailleurs, en 1982, quand Luiz Inácio Lula da Silva s’est présenté aux élections pour le poste de gouverneur de l´État de São Paulo, les slogans da sa liste, qui portait le numéro 3, étaient: “Votez trois le reste est bourgeois” et “Travailleur vote travailleur”.

Selon sa Charte de Principes, le PT s´est érigé sur l´idée que “l'émancipation des travailleurs est l´oeuvre des travailleurs eux-mêmes, lesquels savent que la démocratie demande une participation organisée et consciente et que, comme classe exploitée, ils ne devraient jamais attendre de l´action des élites privilégiées la solution de leurs problèmes".19

Et dans son Manifeste de fondation, le PT révélait dejá les motifs de son désir d’accéder au pouvoir.

“Le PT prétend accéder au pouvoir et à la direction de l'État pour accomplir une politique démocratique, du point de vue des travailleurs, tant sur le plan économique que social. Le PT cherchera à conquérir la liberté afin que le peuple puisse construire une société égalitaire où il n'y ait ni exploité ni exploiteur”.20

Lors de la première Convention Nationale du Parti des Travailleurs, à Brasília, Lula affirmait clairement le caractère socialiste du Parti :

“Le socialisme que nous voulons sera défini par tout le peuple, comme exigence concrète des luttes populaires, comme réponse politique et économique globale à toutes les aspirations concrètes que le PT est capable de prendre en charge. Ce serait très facile pour nous, confortablement assis ici dans l´enceinte du Sénat de la République, d´opter pour l´une ou l´autre définition. Ce serait très facile et maladroit. Le socialisme que nous voulons ne naîtra pas d´un décret de notre part ou de quelq’un d’outre”.

“Le socialisme que nous voulons se définira par les luttes quotidiennes, tout comme le PT que nous sommes en train de construire. Le socialisme que nous voulons devra être l'émancipation des travailleurs. Et l´affranchissement des travailleurs sera l´oeuvre les travailleurs eux-mêmes”.21

Mais le socialisme des courants syndicalistes représentés par le discours de Lula, était fort différent du marxisme-léninisme22 et du trotskisme des groupes de militants de gauche qui avaient participé à la formation du PT23. La pression croissante des courants “gauchistes” conduisit les militants syndicaux de la ligne majoritaire à se structurer autour d'une tendance qui prit le nom d’ Articulation. Quand l’opposition de gauche devint plus marquée, au cours de la 5e Rencontre Nationale, le PT finit par voter une « Motion sur les Tendances »24. Par suite, furent expulsés du Parti des Travailleurs la Convergence Socialiste, la Cause Ouvrière et le Parti Communiste du Brésil. Ayant accepté la Motion de Tendances, les autres groupes se sont dilués dans l’ensemble du parti.

Cependant, l'expulsion des groupes organisés et la dissolution des autres groupes n'a pas éliminé, en tant que pensée de base, le rêve socialiste de construire une société égalitaire et sans classes. Au contraire, le rêve socialiste est devenu le centre de l´idéal du PT, autour duquel se sont réunis un syndicalisme25 actif26 et courageux27 et le solidarisme28 chrétien29.

3. Le Parti des Travailleurs et le mythe de l'origine

La révolution cubaine consitute à bien des égards le mythe fondateur du Parti des Travailleurs. L'admiration quasi-religieuse que le parti voue à cette expérience se manifeste par une apologie permanente de la révolution cubaine, de ses chefs et de ses actions politiques, même les plus contradictoires et contestables. Ce mythe fondateur se déploie en deux autres, dont les origines remontent à la révolution française30 et aux socialismes utopique et marxiste, la construction de la nouvelle démocratie, ayant racines dans les bases de la société et soutenue par les décisions de la majorité31; et une société qui exprime la volonté de tous les travailleurs exploités par le capitalisme.

Mais la fondation du Parti des Travailleurs ne peut pas être comprise si nous ne saisissons pas la présence du solidarisme catholique qui a fonctionné comme amalgame des idées démocratiques et socialistes.

D’après Tillich, une église qui construit son message et sa dévotion à Dieu au-dessus du Dieu du théisme, sans sacrifier ses symboles concrets, peut être l’intermédiaire d'un courage qui incorpore le doute et l'absurdité. C´est une Église sous à la Croix, qui prêche le Crucifié, celui qui a crié vers Dieu après que la confiance l'eût abandonné dans l'obscurité du doute et de l'insignifiance. Faire partie d’une telle église est recevoir un “courage d'être” dans le lequel nous pouvons perdre notre ego et à travers lequel nous recevons notre monde32.

Ce catholicisme de base, dans les années de la dictature militaire, a été présent dans la formation du Parti des Travailleurs et y a laissé son empreinte. Empreinte qui, mêlée à d’autres expressions de foi, s’est traduite dans la préoccupation pour les brésiliens exclus, peuple sans citoyenneté et menacé par la faim. Devant de tels défis, origine et utopie cèdent la place aux propositions immédiates de défense de la vie. Ici, le mythe est rompu et la clameur prophétique se fait entendre. Nous ne pouvons pas dire que le Parti des Travailleurs a brisé tous ses mythes d’origine, puisque c’est un processus psycho-social et historique, mais c’est lorsqu’il soulève la question du "pourquoi", qu’il commence à se détacher des origines.

Tel est le défi qu´impose le present kairos au Parti des Travailleurs: maintenir son idéal de l'origine, sans pour autant se laisser endurcir par lui; projeter ses rêves sans sacrifier des vies sur l'autel de l'utopie; être démocrate, quand l'intolérance et l’arbitraire font partie intégrante de la tradition politique brésilienne. Et, enfin, être voix prophétique, qui se situe au delà du temps et des classes, là où l'utopie disparaît, mais non pas l’agir. 



Notes

1 James Luther Adams, O conceito de era protestante segundo Paul Tillich, in Paul Tillich, A Era Protestante, São Bernardo do Campo, Ciências da Religião, 1992, p. 293.

2 Paul Tillich, Teologia sistemática, São Leopoldo, São Paulo, Sinodal, Paulinas, 1984, p. 173.

3 Paul Tillich, Die sozialistische Entscheidung, Potsdam 1933, Gesammelte Werke, II, pp. 219-365.

4 Paul Tillich, L’Homme et l’État, in Christianisme et Socialisme, Écrits socialistes allemands (1919-1931), Paris, Genève, Québec, Les Éditions du Cerf, Éditions Labor et Fides, Les Presses de l’Université Laval, 1992, p. 474-475.

5 Paul Tillich, La dimensión religiosa en la vida espiritual del hombre. In: Teologia de la cultura y otros ensayos, Buenos Aires, Amorrortu Editores, 1974, pp. 16-17. En anglais, In: Man’s right to knowledge, Columbia University Press, 1954.

6 Die sozialistische Entscheidung, op.cit.

7 Paul Tillich, Kairós II, in : Christianisme et Socialisme, Écrits socialistes allemands (1919-1931), Les Éditions du Cerf, Éditions Labor et Fides, Les Presses de l’Université Laval, 1992, pp. 255-267, traduction en français du original Kairós. Zur Geisteslage und Geisteswendung, 1926, Gesammelte Werke VI, pp. 29-41.

8 Paul Tillich, Kairos I, in Christianisme et socialisme, Écrits socialistes allemands (1919-1931), Paris, Genève, Québec, Les Éditions du Cerf, Éditions Labor et Fides, Les Presses de l’Université Laval, 1992, pp. 116-117.

9 Idem, op.cit., p. 260.

10 Idem, op.cit., p. 260.

11 Idem, op.cit., p. 260.

12 «Il serait bien préférable et plus conforme à la vérité de son prope point de vue que la théologie dialectique s’engage dans la situation historique concrète, qu’elle ait le courage de la décision et qu’elle se place ainsi sous le jugement, de manière concrète et non suelement dialectique. En aucun temps, elle n’aurait alors à oublier qu’eu égard à l’inconditionné, même le point le plus élevé qu’il soit possible d’atteindre dans le temps reste soumis ao Non. Mais elle ne devrait pas, par peur du Non, perdre l’audace du Non et du Oui concrets». [Kairós II, idem, op.cit., p. 259].

13 Kairós II, idem, op.cit., p. 260.

14 Idem, op. cit., p.261.

15 “Le kairos est le temps où s’accomplit ce qui est absolument significatif, il est le temp du destin. Considérer une époque comme un kairos, considérer ce temps comme celui d’une décision inévitable, d’une responsabilité inéluctable, c’est le considérer dans l’esprit de la prophétie». [Kairós II, idem, op. cit., p. 259].

16 Paul Tillich, Die sozialistische Entscheidung, op.cit. p.31.

17 Paul Tillich, Le Socialisme, Christianisme et Socialisme, Écrits socialistes allemands (1919-1931), Les Éditions du Cerf, Éditions Labor et Fides, Les Presses de l’Université Laval, 1992, p. 346.

18 Paul Tillich, Entre la heteronomia y la autonomia, in: Teologia de la cultura y otros ensayos, Buenos Aires, Amorrortu Editores, 1974, pp. 239-240.

19 Carta de Princípios, Comissão Nacional Provisória, 1o. de maio de 1979, in : Resoluções de Encontros e Congressos, 1979-1998, Partido dos Trabalhadores, São Paulo, Fundação Perseu Abramo, 1999, p. 53.

20 Manifesto do Movimento Pró-PT em 10 de fevereiro de 1980, no Colégio Sion (SP) e publicado no Diário Oficial da União de 21 de outubro de 1980, in : Resoluções de Encontros e Congressos, 1979-1998, Partido dos Trabalhadores, São Paulo, Fundação Perseu Abramo, 1999, p. 67.

21 Discours de Luiz Inácio Lula da Silva à la première « Convenção Nacional do Partido dos Trabalhadores”, prononcé le 27 septembre 1981, au Sénat de la Republique, in: Resoluções de Encontros e Congressos, 1979-1998, Partido dos Trabalhadores, São Paulo, Editora Fundação Perseu Abramo, 1999, p. 114.

22 Apolônio de Carvalho, Momento de exclusão, Revista Teoria e Debate no. 9, janeiro/março, 1990.

23 Valério Arcary, Resposta a Apolônio, Revista Teoria e Debate no. 10, abril/junho, 1990.

24 « Resolução sobre tendências », 5o. Encontro Nacional, Brasília, 4-6 décembre 1987, in: Resoluções de Encontros e Congressos, 1979-1998, Partido dos Trabalhadores, São Paulo, Editora Fundação Perseu Abramo, 1999, pp. 356 e 357.

25 Declaração Política do Partido dos Trabalhadores, 13/10/1979.

26 Aloízio Mercadante, Resultados para quem?, Teoria e Debate nº.1 (déc.87).

27 Concepção e prática sindical, Resoluções do 3°. Congresso Nacional da Central Única dos Trabalhadores, 1988.

28 Renato Lemos e Marcos Magalhães, O mandamento da liberdade, São Paulo, Versus no 28, janvier 1979, pp.14-15.

29 Frei Betto, Quando o Vaticano golpeia, interview à Eugênio Bucci e Paulo de Tarso Venceslau, Tendência e Debate nº. 4 (set/1988).

30 «Depuis la Révolution française et ses répercussions au XIXe siécle jusqu’aux cercles communistes extrémistes d’aujourd’hui, c’est cet enthousiasme eschatologique qui emplit les masses, il est le sacré qui leur est resté, et qui les incite au sacrifice de soi et au combat héroïque». Paul Tillich, Masse et Esprit, in Christianisme et Socialisme, Écrits socialistes allemands (1919-1931), Paris, Genève, Québec, Les Éditions du Cerf, Éditions Labor et Fides, Les Presses de l’Université Laval, 1992, p. 104.

31 Declaração Política, São Bernardo do Campo, 13 octobre 1979, in : Resoluções de Encontros e Congressos, 1979-1998, Partido dos Trabalhadores, São Paulo, Editora Fundação Perseu Abramo, 1999, pp. 55-56.

32 Paul Tillich, A coragem de ser, Rio de Janeiro, Paz e Terra, 1992, p. 145.