Par Céline Borello
Parmi les représentations iconographiques les plus fameuses des débuts de la Révolution française se trouve l’œuvre, pourtant inachevée, du Serment du jeu de Paume de Jacques-Louis David. L’événement se déroule le 20 juin 1789, trois jours après que les députés du tiers état – rejoints le 19 par une partie de ceux du clergé – se sont proclamés Assemblée nationale.
Dans la salle du Jeu de Paume, les élus jurent alors de ne pas se séparer jusqu’à ce qu’ils aient donné une première Constitution au royaume.
L’œuvre croise l’histoire huguenote par un des protagonistes, le pasteur Rabaut Saint-Étienne, figuré en habits civils. Il trône au centre et au premier plan de la foule des députés, avec l’abbé Grégoire et le chartreux Dom Gerle. Ils se donnent une accolade fraternelle, allégorie d’une union religieuse de la Nation dans un moment particulièrement fort politiquement.
Dans la masse des députés représentés, dont la plupart demeurent inconnus, dix-sept autres protestants, invisibles sur le tableau, mais bien présents dans l’assemblée révolutionnaire. Certes, ce nombre ne correspond qu’à une part infime des 1 200 députés, mais l’instant est symbolique pour les huguenots qui participent ainsi activement au destin politique de leur pays, après avoir connu une véritable mort civile entre 1685 et 1787.
Provenant de diverses provinces du royaume, ce groupe d’hommes, dont certains comme Barnave ou Boissy d’Anglas sont connus, sont pour la plupart négociants ou avocats.
La diversité de leurs opinions est de mise. Emblématiquement et plus tardivement, les votes lors du procès de Louis XVI, en janvier 1793, l’indiquent.Certains, comme Louis Bernard Saint-Affrique ou Charles Saint-Martin-Valogne, optent contre la mort du roi ; d’autres, comme Pierre-Joseph Cambon ou Marc-David Alba Lasource y sont favorables. Ces députés protestants inaugurent ainsi une présence discrète mais constante des huguenots dans les instances électives de la Nation, sans montrer toutefois dans ces instants révolutionnaires une cohésion politique.
https://www.reforme.net/religion/protestantisme/2019/06/12/ces-deputes-huguenots-dans-la-revolution-francaise/
La Révolution et les Protestants
En France, la Révolution avait, à la fin de 1791, répondu aux aspirations communes des Protestants.
Ils se voient accorder l'égalité civile, la liberté de conscience et la liberté de culte
La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 leur accorde la liberté de conscience et la Constitution de 1791 la liberté de culte.
L’attitude des Protestants au cours des années révolutionnaires ne présente pas une image cohérente. Ceux-ci ont réagi de façon plutôt individuelle face au phénomène révolutionnaire. De nombreux Protestants ont participé aux Assemblées révolutionnaires, mais il n’y a pas eu de « groupe protestant ».
Sous la Terreur, le phénomène de déchristianisation (septembre 1793 à juillet 1794) n’a pas affecté en profondeur le monde protestant, quoique le culte ait été presque partout suspendu. Mais il s’agit en fait pour la plupart des pasteurs d’une cessation temporaire d’activité. Après la chute de Robespierre, le 9 Thermidor, an II (27 juillet 1794) on assiste à la réouverture des temples et la liberté des cultes est proclamée.
En outre, de nombreux huguenots vont bénéficier de l’Édit royal du 15 décembre 1790 accordant la nationalité française à toute personne exilée pour cause de religion.
Bibliographie
Livres
BOURDON Jean-François, Les pasteurs réformés face à la déchristianisation de l’An II, mémoire de maîtrise, Université Pierre Mendès-France, 1987
VOVELLE Michel, La Révolution contre l’Église : de la raison à l’être suprême, Complexe, Bruxelles, 1988.
Articles
« Les Protestants et la Révolution française », Bulletin de la SHPF, SHPF, Paris, 1989, Tome 127
ENCREVÉ André, « Les Protestants et la révolution française », Réformes et Révolutions, VIALLANEIX Paul (dir.), Presses du Languedoc, Montpellier, 1990, p. 192.